Jacques Ravenne, Les sept vies du marquis & Lettres d’une vie

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Une biographie éclairante

2014 marque le bicentenaire de la mort du marquis de Sade. Celui-ci est principalement connu pour l’œuvre littéraire sulfureuse qu’il a laissé à la postérité et pour le dérèglement psychique lié à son nom. Mais quelle personnalité a été masquée par celle d’un écrivain maudit ? Jacques Ravenne propose, dans une biographie richement documentée, une autre vision de l’homme. Il donne à découvrir, au-delà de l’image que ses écrits peuvent laisser transparaître, d’autres facettes de la vie et du caractère de ce libertin. Le biographe s’attache aux pas de Donatien Aldonze François de Sade. Dès son plus jeune âge, celui-ci est mis face aux difficultés matérielles que vivent les nobliaux ruinés. Attention, il ne s’agit, pour eux, que de trouver les moyens de vivre de plaisir et d’oisiveté, non de survivre. Jacques Ravenne décrit bien l’existence de ces gens qu’un titre oblige à un mode de vie qu’ils ne peuvent assurer faute de ressources suffisantes.
Il entre dans l’armée où, pendant la guerre de Sept Ans, il guerroie en Espagne, en Allemagne, fait preuve de bravoure. À la fin du conflit, il est démobilisé, jeté sur le pavé avec une solde de misère, dira-t-il. Il mène, alors, une vie de libertin en compagnie de Gabriel de Lauris, qu’il a connu à l’armée. Il court les invitations, mendie des dîners en ville. Il passe son temps, tant que ses moyens lui permettent, dans les nombreux lieux de débauche de la capitale. Il tombe amoureux de Laure-Victoire, la sœur de son compagnon de débauche, qui le quittera bien vite, lui laissant une blennorragie en souvenir.

Son père négocie, par l’intermédiaire du duc de Gardagne, son titre de marquis pour un mariage avec Renée-Pélagie de Montreuil, la fille du président à la Cour des Aides de Paris, de noblesse toute récente. La dot est fixée à trois cents mille livres qui iront, dans une large part, éponger les dettes du père de Donatien. Quelques mois après son mariage, il tâte de la prison pour la première fois, en 1763, pour profanations et sacrilèges. En 1768, il est arrêté pour avoir fouetté au sang une femme. Réfugié en Provence, sur ses terres, il écrit une pièce de théâtre. Mais, en juin 1772, un scandale, à Marseille, lui vaut une condamnation à mort. Il fuit et restera caché quelques années. Une lettre de cachet, obtenue par sa belle-mère, l’envoie sous les verrous pour onze ans, d’abord au château de Vincennes, puis à la Bastille.
Il ne sera libéré qu’en 1790, ivre de vengeance. Il devient, sous le nom de Louis Sade, le président de la section des piques, la plus violente de Paris. Mais ses écrits, ses excès, le rattraperont encore et toujours…

À l’aide de courtes séquences, de mises en situation rapides, Jacques Ravenne raconte la vie du marquis, son parcours, sous les différents régimes, d’homme, d’auteur, de libertin. Il explicite sa façon de penser, sa façon de vivre attiré par le sexe, les femmes, la violence, par le besoin de provoquer, de rejeter la religion et toutes les formes de contraintes qui entravent sa recherche éperdue de plaisir, qui l’amènent dans des situations compliquées. N’écrit-il pas : « Ce n’est pas ma façon de penser qui a fait mon malheur, mais celle des autre » ou « Hors du sexe, point de salut. » ?
Le biographe met en scène tous les personnages qui croisent la route de Sade, que ce soit pour le traquer ou pour l’accompagner dans sa vie, dans ses débauches. On croise les grands acteurs de l’époque, les rois Louis XV et XVI, le duc de Gardane, Monsieur de Sartine, Jacques Girouard son éditeur et surtout Joseph Fouché qui est fasciné par l’homme et qui le suivra jusqu’à la mort de ce dernier. Il montre aussi le rôle des femmes, de ces femmes dont il savait se faire aimer ou qu’il soumettait à ses volontés. Il dresse des portraits plein de vie, d’une grande justesse.

En complément à la biographie Les sept vies du Marquis, Jacques Ravenne fait paraître chez 10/18, sous le titre Lettres d’une vie, un choix des missives les plus explicites pour comprendre l’individu qu’a été ce marquis. Celui-ci a, tout au long de sa vie, eut une activité épistolaire conséquente : « … on en connait aujourd’hui environ neuf cents… Il n’y a sans doute pas eu de journée où il n’ait écrit une ou plusieurs lettres… » Beaucoup d’entre elles ont été dispersées, dissimulées…
Ce choix de lettres couvre la période de ses dix-huit ans à sa mort et mettent en lumière son ambition, sa soif d’un destin peu commun, ses révoltes contre ce qu’il considère comme des injustices, sa soif de liberté. Parallèlement, à l’occasion de la parution de cette correspondance, les Éditions 12/18 propose la réédition, avec des préfaces inédites, de La philosophie du Boudoir, Les 120 jours de Sodome, Les infortunes de la vertu.

serge perraud

Jacques Ravenne,
Les sept vies du marquis, Fleuve éditions, janvier 2014, 496 p. – 18,90 €.
Lettres d’une vie, Éditions 10/18, janvier 2014, 264 p. -7,50 €.

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