A New York, un universitaire anglais se remet du départ de sa femme tandis que d’étranges phénomènes se produisent
Le début est prometteur : Lawrence Miller, universitaire anglais échoué à New York, tente de se remettre du départ de sa femme Carole à grand renfort de séances psychanalytiques onéreuses. Homme plein de scrupules, soucieux d’être reconnu par ses collègues et ses étudiants américains, Miller fait partie du Comité contre le harcèlement sexuel de son campus mais malgré son sérieux et sa bonne volonté, le pauvre homme est plutôt isolé avec, comme leitmotiv obsessionnel, l’incompréhension du vide laissé par Carole.
C’est alors que d’étranges phénomènes surviennent : dans le bureau de Miller, des objets disparaissent, quelqu’un lit ses livres, utilise son téléphone… Ceci est d’autant plus inquiétant que Barbara Hellermann, la jeune femme qui occupait le poste de Miller avant que ce dernier n’arrive, est morte mystérieusement. Essayant d’enquêter, Lawrence Miller perd pied et se lance à la poursuite de Boris Trumilcik, ancien professeur stagiaire, espèce de poète slave, qui séduisit ses étudiantes et provoqua d’énormes scandales avant de disparaître dans la nature. Pour le chétif Miller, il ne fait aucun doute que Trumilcik est la bête à abattre, l’incarnation du Mal : alors qu’il remonte la piste qui le mènera jusqu’à l’affreux bonhomme, des femmes disparaissent autour de lui, battues, assassinées.
L’atmosphère de ce roman est à l’image de la vie de son héros, étriquée et malsaine. Qui est en effet Lawrence Miller ? Un Anglais naïf abusé par sa femme, en mal d’amour parental (un chapitre entier est consacré à ses traumatismes d’enfant bâtard issu de l’union malheureuse d’un aristocrate snob et d’une roturière inculte) ou un hypocrite de première qui tente pathétiquement de se faire une place dans cette société américaine gangrenée par le puritanisme ? Dans tous les cas, Miller entraîne le lecteur dans son malaise avec, en maître d’œuvre, le romancier Lasdun lui-même qui tire de grosses ficelles : suspense hitchcockien, paranoïa kafkaïenne, satire des campus universitaires à la Nabokov, bref, rien de nouveau. Le déclin psychique de Miller est prévisible dès les premières pages et on va sans surprise de découverte macabre en découverte macabre : le livre lui-même, en dépit de sa dimension ludique, n’évite pas le manichéisme. Lawrence Miller, girouette méprisable, sera puni pour sa faiblesse, la brebis galeuse sera écartée du troupeau.
En esquivant la profondeur du sujet, Ladsun rend grandguignolesque la figure de cet homme frustré qui s’en prend aux femmes. Se réfugiant derrière un maelström paresseux de pseudo explications psychosociologiques, il creuse une distance entre le triste destin de son héros et le lecteur dont l’intérêt finit par se distendre.
sarah cillaire
James Lasdun, L’Homme licorne (traduit par Pierre Charras), Gallimard “du monde entier” 2004, 232 p. — 18,50 €. |
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