James Lasdun, L’Homme licorne

A New York, un uni­ver­si­taire anglais se remet du départ de sa femme tan­dis que d’étranges phé­no­mènes se produisent

Le début est pro­met­teur : Law­rence Mil­ler, uni­ver­si­taire anglais échoué à New York, tente de se remettre du départ de sa femme Carole à grand ren­fort de séances psy­cha­na­ly­tiques oné­reuses. Homme plein de scru­pules, sou­cieux d’être reconnu par ses col­lègues et ses étu­diants amé­ri­cains, Mil­ler fait par­tie du Comité contre le har­cè­le­ment sexuel de son cam­pus mais mal­gré son sérieux et sa bonne volonté, le pauvre homme est plu­tôt isolé avec, comme leit­mo­tiv obses­sion­nel, l’incompréhension du vide laissé par Carole.

C’est alors que d’étranges phé­no­mènes sur­viennent : dans le bureau de Mil­ler, des objets dis­pa­raissent, quelqu’un lit ses livres, uti­lise son télé­phone… Ceci est d’autant plus inquié­tant que Bar­bara Hel­ler­mann, la jeune femme qui occu­pait le poste de Mil­ler avant que ce der­nier n’arrive, est morte mys­té­rieu­se­ment. Essayant d’enquêter, Law­rence Mil­ler perd pied et se lance à la pour­suite de Boris Tru­mil­cik, ancien pro­fes­seur sta­giaire, espèce de poète slave, qui sédui­sit ses étu­diantes et pro­vo­qua d’énormes scan­dales avant de dis­pa­raître dans la nature. Pour le ché­tif Mil­ler, il ne fait aucun doute que Tru­mil­cik est la bête à abattre, l’incarnation du Mal : alors qu’il remonte la piste qui le mènera jusqu’à l’affreux bon­homme, des femmes dis­pa­raissent autour de lui, bat­tues, assassinées.

L’atmo­sphère de ce roman est à l’image de la vie de son héros, étri­quée et mal­saine. Qui est en effet Law­rence Mil­ler ? Un Anglais naïf abusé par sa femme, en mal d’amour paren­tal (un cha­pitre entier est consa­cré à ses trau­ma­tismes d’enfant bâtard issu de l’union mal­heu­reuse d’un aris­to­crate snob et d’une rotu­rière inculte) ou un hypo­crite de pre­mière qui tente pathé­ti­que­ment de se faire une place dans cette société amé­ri­caine gan­gre­née par le puri­ta­nisme ? Dans tous les cas, Mil­ler entraîne le lec­teur dans son malaise avec, en maître d’œuvre, le roman­cier Las­dun lui-même qui tire de grosses ficelles : sus­pense hit­ch­co­ckien, para­noïa kaf­kaïenne, satire des cam­pus uni­ver­si­taires à la Nabo­kov, bref, rien de nou­veau. Le déclin psy­chique de Mil­ler est pré­vi­sible dès les pre­mières pages et on va sans sur­prise de décou­verte macabre en décou­verte macabre : le livre lui-même, en dépit de sa dimen­sion ludique, n’évite pas le mani­chéisme. Law­rence Mil­ler, girouette mépri­sable, sera puni pour sa fai­blesse, la bre­bis galeuse sera écar­tée du troupeau.

En esqui­vant la pro­fon­deur du sujet, Lad­sun rend grand­gui­gno­lesque la figure de cet homme frus­tré qui s’en prend aux femmes. Se réfu­giant der­rière un mael­ström pares­seux de pseudo expli­ca­tions psy­cho­so­cio­lo­giques, il creuse une dis­tance entre le triste des­tin de son héros et le lec­teur dont l’intérêt finit par se dis­tendre. 

sarah cil­laire

   
 

James Las­dun, L’Homme licorne (tra­duit par Pierre Char­ras), Gal­li­mard “du monde entier” 2004, 232 p. — 18,50 €.

 
     

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