Vincent Bernard, Robert E. Lee. La légende sudiste

Lee, le vaincu de la guerre de Sécession

Comme c’est sou­vent le cas avec les per­dants de l’histoire, le géné­ral Lee, qui com­manda les troupes du Sud lors de la guerre de Séces­sion, est mal connu. Aucune bio­gra­phie en fran­çais ne s’intéresse à ce per­son­nage que Vincent Ber­nard sort de l’ombre, avec cette belle bio­gra­phie publiée chez Perrin.

Avec un tel sujet, on peut tou­jours craindre une série de pon­cifs, de mora­lisme et de mani­chéisme. L’auteur nous en fait grâce. Le regard qu’il porte sur le géné­ral Lee, véri­table légende du Sud, conserve le sérieux, la dis­tance et l’esprit cri­tique néces­saires pour ne pas faire de l’ouvrage un anathème.

Le public fran­çais appren­dra donc beau­coup sur cet homme et son éton­nant par­cours. Pur pro­duit de « l’aristocratie » de l’Est des jeunes Etats-Unis, fils d’un héros de l’Indépendance et lié par son mariage à la famille de George Washing­ton, il entre à l’académie mili­taire de West Point. Il en sort pour une car­rière en fait très terne, dans la médiocre armée de terre amé­ri­caine qui n’offre que bien peu de pers­pec­tives de car­rière à ses offi­ciers. Fort heu­reu­se­ment, la guerre contre le Mexique lui per­met de se mettre en valeur et de se faire remar­quer. La guerre civile et son sou­tien à sa Vir­gi­nie natale et séces­sion­niste le pro­pul­sera au som­met. Le por­trait que dresse Vincent Ber­nard du géné­ral Lee met en avant, plus que sa prin­ci­pale qua­lité, la valeur struc­tu­rante de toute son exis­tence : le res­pect de son devoir. Homme droit, rigou­reux, hon­nête, il consacre sa vie au métier des armes. Sa maî­trise de ses émo­tions lui inter­dit d’exprimer le moindre sen­ti­ment. Mal­gré sa sin­cère volonté d’éviter la rup­ture de 1861, une fois celle-ci consommé, il s’engage en faveur de la Séces­sion, par devoir envers la Vir­gi­nie. Sur la ques­tion de l’esclavage, l’auteur le décrit impré­gné de « bien­veillance envers [ses] esclaves à la condi­tion que cha­cun demeure à sa place et fasse son ‘devoir’ ».

Dès l’époque de West Point, Lee fas­cine tous ceux qui l’approchent, marque ses cama­rades par sa rigueur, son intel­li­gence, sa volonté d’être à la hau­teur et que les autres le soient. C’est pour­quoi il devient une véri­table légende dès son vivant auprès des troupes sudistes. Un objet de res­pect, voire de véné­ra­tion. Vincent Ber­nard décrit très bien les déchi­re­ments intimes que la Séces­sion a consti­tués pour des offi­ciers patriotes, anciens cama­rades de pro­mo­tion ou de régi­ments, pla­cés devant des choix ter­ribles. Lee a été l’un d’eux. Dans cette guerre de civi­li­sa­tion (loin d’être uni­que­ment moti­vée par la ques­tion escla­va­giste, comme le note l’auteur), Lee déploie tous ses talents, arrache des vic­toires mais finit par plier devant la force indus­trielle du Nord. Les com­bats dominent l’essentiel du livre qui ravira les pas­sion­nés d’histoire mili­taire.
L
es pages consa­crées à la red­di­tion de Lee s’avèrent empreintes d’une grande émo­tion, l’auteur par­ve­nant fort bien à décrire le cal­vaire que cet évè­ne­ment a repré­senté pour Lee et ses hommes. Ecrit avec élé­gance, ce livre, sans vou­loir rendre jus­tice à Lee, explique le rôle cen­tral que ce mili­taire joua dans ces ter­ribles années de la guerre de Séces­sion qui ont mar­qué au fer rouge l’histoire des Etats-Unis.  

fre­de­ric le moal

Vincent Ber­nard, Robert E. Lee. La légende sudiste, Per­rin, avril 2014, p.446 p. — 24,00 €

1 Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies

One Response to Vincent Bernard, Robert E. Lee. La légende sudiste

  1. Pons Jean-Luc

    Livre excep­tion­nel, tra­vail remarquable.Une recherche appro­fon­die au tra­vers d’une com­pi­la­tion biblio­gra­phique excep­tion­nelle, fait de cette bio­gra­phie non seule­ment un tra­vail sur l’histoire et un docu­ment pré­cieux, mais aussi une oeuvre d’une lec­ture roma­nesque et pas­sion­nante. Nous com­pre­nons au fur et à mesure des pages qui défilent, à quel point tout ce que notre connais­sance hol­ly­woo­dienne de l’époque, est fina­le­ment plus proche de l’Histoire qu’on ne le pense. La réa­lité dépas­sant très sou­vent et de loin la fiction.Tel Max Gallo, l’auteur réussi grâce à l’insertion de dia­logues réels et d’extraits de lettres rap­por­tés au tra­vers de nom­breux témoi­gnages, à rendre le per­son­nage vivant et proche de nous. C’est une “résur­rec­tion” et on ne peut sou­vent s’empêcher d’être ému en décou­vrant ce “Momument’s Man” sudiste qui par sa déter­mi­na­tion, ses prin­cipes de vie et d’engagement s’inscrit dans la lignée d’autres grands hommes de l’histoire. On ne peut s’empêcher de pen­ser à Jean Mou­lin tel leur com­por­te­ment, leur concep­tion du devoir et de l’honneur sont proches.
    Une lec­ture à recom­man­der abso­lu­ment, en sou­hai­tant que le suc­cès du livre soit à la hau­teur du mérite du tra­vail de son Auteur.

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