Lee, le vaincu de la guerre de Sécession
Comme c’est souvent le cas avec les perdants de l’histoire, le général Lee, qui commanda les troupes du Sud lors de la guerre de Sécession, est mal connu. Aucune biographie en français ne s’intéresse à ce personnage que Vincent Bernard sort de l’ombre, avec cette belle biographie publiée chez Perrin.
Avec un tel sujet, on peut toujours craindre une série de poncifs, de moralisme et de manichéisme. L’auteur nous en fait grâce. Le regard qu’il porte sur le général Lee, véritable légende du Sud, conserve le sérieux, la distance et l’esprit critique nécessaires pour ne pas faire de l’ouvrage un anathème.
Le public français apprendra donc beaucoup sur cet homme et son étonnant parcours. Pur produit de « l’aristocratie » de l’Est des jeunes Etats-Unis, fils d’un héros de l’Indépendance et lié par son mariage à la famille de George Washington, il entre à l’académie militaire de West Point. Il en sort pour une carrière en fait très terne, dans la médiocre armée de terre américaine qui n’offre que bien peu de perspectives de carrière à ses officiers. Fort heureusement, la guerre contre le Mexique lui permet de se mettre en valeur et de se faire remarquer. La guerre civile et son soutien à sa Virginie natale et sécessionniste le propulsera au sommet. Le portrait que dresse Vincent Bernard du général Lee met en avant, plus que sa principale qualité, la valeur structurante de toute son existence : le respect de son devoir. Homme droit, rigoureux, honnête, il consacre sa vie au métier des armes. Sa maîtrise de ses émotions lui interdit d’exprimer le moindre sentiment. Malgré sa sincère volonté d’éviter la rupture de 1861, une fois celle-ci consommé, il s’engage en faveur de la Sécession, par devoir envers la Virginie. Sur la question de l’esclavage, l’auteur le décrit imprégné de « bienveillance envers [ses] esclaves à la condition que chacun demeure à sa place et fasse son ‘devoir’ ».
Dès l’époque de West Point, Lee fascine tous ceux qui l’approchent, marque ses camarades par sa rigueur, son intelligence, sa volonté d’être à la hauteur et que les autres le soient. C’est pourquoi il devient une véritable légende dès son vivant auprès des troupes sudistes. Un objet de respect, voire de vénération. Vincent Bernard décrit très bien les déchirements intimes que la Sécession a constitués pour des officiers patriotes, anciens camarades de promotion ou de régiments, placés devant des choix terribles. Lee a été l’un d’eux. Dans cette guerre de civilisation (loin d’être uniquement motivée par la question esclavagiste, comme le note l’auteur), Lee déploie tous ses talents, arrache des victoires mais finit par plier devant la force industrielle du Nord. Les combats dominent l’essentiel du livre qui ravira les passionnés d’histoire militaire.
Les pages consacrées à la reddition de Lee s’avèrent empreintes d’une grande émotion, l’auteur parvenant fort bien à décrire le calvaire que cet évènement a représenté pour Lee et ses hommes. Ecrit avec élégance, ce livre, sans vouloir rendre justice à Lee, explique le rôle central que ce militaire joua dans ces terribles années de la guerre de Sécession qui ont marqué au fer rouge l’histoire des Etats-Unis.
frederic le moal
Vincent Bernard, Robert E. Lee. La légende sudiste, Perrin, avril 2014, p.446 p. — 24,00 €
Livre exceptionnel, travail remarquable.Une recherche approfondie au travers d’une compilation bibliographique exceptionnelle, fait de cette biographie non seulement un travail sur l’histoire et un document précieux, mais aussi une oeuvre d’une lecture romanesque et passionnante. Nous comprenons au fur et à mesure des pages qui défilent, à quel point tout ce que notre connaissance hollywoodienne de l’époque, est finalement plus proche de l’Histoire qu’on ne le pense. La réalité dépassant très souvent et de loin la fiction.Tel Max Gallo, l’auteur réussi grâce à l’insertion de dialogues réels et d’extraits de lettres rapportés au travers de nombreux témoignages, à rendre le personnage vivant et proche de nous. C’est une “résurrection” et on ne peut souvent s’empêcher d’être ému en découvrant ce “Momument’s Man” sudiste qui par sa détermination, ses principes de vie et d’engagement s’inscrit dans la lignée d’autres grands hommes de l’histoire. On ne peut s’empêcher de penser à Jean Moulin tel leur comportement, leur conception du devoir et de l’honneur sont proches.
Une lecture à recommander absolument, en souhaitant que le succès du livre soit à la hauteur du mérite du travail de son Auteur.