Comme beaucoup de curieux, l’auteur de ses lignes eut la révélation de la force de l’art par le génie du lieu que représente la Fondation Maeght dans son cadre exceptionnel de Saint– Paul de Vence. Elle est née de l’amitié et de la force d’anticipation d’Aimé Maeght avec les grands noms des années 50–60 : Miró, Calder, Léger, Braque, Giacometti, Chagall, Chillida. Mais il y eut aussi de grands anciens : Bonnard (vilipendé par Beckett avec sa formule “Blanc Bonnard et Bonnard blanc”), Derain et Braque par exemple. Inaugurée en 1964 par Malraux, la Fondation fut reconnue très vite d’utilité publique. Elle garde pour mission de se consacrer à la création contemporaine, désormais sous la direction d’Olivier Kaeppelin. Pour le cinquantenaire, il a décidé avec Adrien Maeght (président du conseil d’administration) de dresser un bilan en rendant aussi hommage aux œuvres qui ont illuminé l’architecture épurée et lumineuse de l’édifice et de ses jardins.
Kaepellin, comme ses prédécesseurs, contribue comme il l’écrit « à inventer la pluralité des mondes ». Cette exposition d’une qualité exceptionnelle met le visiteur face à des œuvres majeures et permet de comprendre les raisons de la sélection des artistes retenus au fil du temps. Le choix tient à la fois aux forces poétiques de leurs œuvres, à leur cohérence et leur force de suggestion comme d’anticipation. L’importance de la fondation provient justement d’une élection esthétique guidée par l’émotion et l’intelligence. Chez Kaeppelin comme pour ses prédécesseurs, celles-ci ne se sont jamais soumises aux diktats théoriques ou pliées à la défense de chapelles. Aux écoliers, les différents directeurs ont préféré les artistes libres. Si bien que des oeuvres présentées (celles de Gasiorovski par exemple) restent pour beaucoup sujets de polémiques et de débats.
A côté des artistes tutélaires du lieu le visiteur pourra découvrir l’art en mouvement de François Fiedler, Richard Lindner, des artistes contemporains récemment exposés par la Fondation dont Marco Del Re, Richard Deacon, Yan Pei Ming, Pier Paolo Calzolari, Djamel Tatah, Fabrice Hyber, Gloria Friedmann Non seulement il sera possible de revivre avec passion des œuvres rencontrées auparavant mais aussi de se confronter à l’intensité d’œuvres parfois encore méconnues dans une interaction agissante tant elles ne peuvent laisser indifférentes. L’art pour Kaeppelin n’est pas ce qui rassure mais ce qui dérange en un dépassement des formes admises sans lequel il n’est que lettre morte. L’exposition prouve qu’une égale acuité anime les décideurs d’aujourd’hui et ceux du passé dans un lieu qui, depuis cinquante années, méduse tant par ses contenus que son contenant.
jean-paul gavard-perret
Face à l’œuvre, Fondation Maeght, 28 juin– 11 novembre 2014, Saint-Paul de Vence
Plus que parfait à l’égal du texte JPGP de ” l’ atelier caché ” .