Un fourre-tout un peu décevant
Ayant lu avec délectation Ingrid Caven et Entrée des fantômes, j’ai ouvert le nouveau livre de Jean-Jacques Schuhl avec les meilleurs a priori qui soient – pour finir sur une impression frustrante. De fait, le volume présenté comme un recueil de nouvelles réunit des textes dont certains sont plutôt des articles ou des essais, de qualité d’ensemble très inégale et qui rappellent d’autant plus irrésistiblement la notion de fourre-tout. Les “obsessions“ personnelles de l’auteur sont censées leur servir de liant, mais ces leitmotive produisent le plus souvent un effet d’artifice — étant donné le disparate des écrits qu’ils cherchent à rattacher les uns aux autres -, quand ils ne sentent pas le recyclage laborieux.
De façon particulièrement malvenue, les quatre premières nouvelles du recueil s’avèrent être les moins réussies – comme si le sommaire était conçu pour décourager le lecteur avant qu’il ne soit arrivé aux meilleurs morceaux. Alors qu’on était habitué à un Schuhl fin styliste, ici, on trouve des phrases maladroites qui font se demander s’il s’est relu, telles que : “Je l’ai brandie et donnai quelques coups dans le vide.“ ou “C’était dans ce temps-là que j’avais voulu me faire couper cette robe de chambre en velours de soie motifs arabesques genre Fortuny et où j’avais envié l’arrogance de l’acteur Helmut Berger.“ (p. 31, in “La cravache“).
En revanche, si vous sautez ces nouvelles ou que vous preniez patience malgré l’irritation qu’elles suscitent, vous serez récompensé par “Un dernier amour d’Andy Warhol“ et “Silver phantom“, récits inspirés, drôles, par moment touchants, bien enlevés et empreints du charmant snobisme propre au meilleur Schuhl. “Hello Dr Death !“, quelque peu bâclée, séduit cependant par son insolite. Les textes suivants sont des méditations sur Baudelaire, Godard, Werner Schroeter ou Jean Eustache (couplé avec Rimbaud), qui retiennent l’intérêt, mais nous laissent sur notre faim, faisant regretter que l’auteur ne se soit pas donné la peine d’écrire un vrai volume d’essais, de plus grande envergure, sur ses poètes et artistes de prédilection. Mais sait-on jamais ? Peut-être que dans les années à venir, on verra paraître, au lieu d’un fourre-tout peu justifiable même de la part d’un écrivain fier d’être paresseux, deux Schuhl deux fois plus gros, de la meilleure eau, nouvelles et essais (il est permis de rêver).
agathe de lastyns
Jean-Jacques Schuhl, Obsessions, Gallimard, mars 2014, 147 p. – 15,90 €