Perrine Le Querrec : portrait de la femme en écrivaine et de l’auteure en égérie
Lorsque le flanc de l’amoureux frôle l’écrivaine, celle-ci résiste à peine à son désir. Néanmoins, un autre demeure plus ardent et l’appelle : écrire dit-elle, d’autant que l’amant en fait sa Joyce, sa Mansour. En conséquence, à l’heure où le jeu des corps pourrait commencer, Perrine Le Querrec préfère le donner en spectacle pour en jouir par l’écriture, son étalement (mesuré) et une forme de chanson de geste. Le but n’est pas l’assouvissement mais le dur désir de faire durer la faim d’une fin remisée. L’écriture joue donc le jeu du désir pour en disposer autrement et afin que l’auteure se voit être une autre et elle-même dans le miroir des mots.
L’Initiale est son corps, sa forme désireuse, désirable. Et bien qu’elle aime son complice, elle se regarde non dans la seule psyché proposée par le mâle mais dans celle des mots qui descendent et remontent en un écart, une distance sur les corps en attente. L’ironie n’est jamais absente là où l’écriture est rendue à sa chair et la chair à un pré-texte. Le texte délie le corps pour lui faire habiter un autre espace. Le temps est délimité par un face à face différent que celui qui distrairait l’auteure en l’éloignant du drap blanc de la page. Preuve que l’écriture — plus que tout autre échange — unit. Son horizontalité est l’épreuve de recommencements toujours insaisissables. Son pouvoir n’est pas d’illusion mais d’étreinte. Les mots font ce que les caresses ne font pas. Précipités, ils ne se dérobent pas : ils dérobent bien mieux que les mains de l’homme.
jean-paul gavard-perret
Perrine Le Querrec, L’initiale, Editions Derrière la Salle de Bains, Rouen, 2014 — 8,00 €.