L’histoire d’un chantage au sein d’une fratrie minée par la cupidité
On assiste aux préparatifs effrénés d’une réception, dans un intérieur spacieux et luxueux. Vite le tournoiement des hôtes est polarisé par la présence de l’invité principal, avec lequel il s’agit de négocier. Les affaires vont vite, les pas sont prompts, les paroles bien plus feutrées que leur sens. Progressivement, on mesure les enjeux qui se nouent, tandis que les personnages se montrent nerveux et surfaits. Une musique rare, mais de volume très fort, vient ponctuer le propos en en soulignant l’intensité dramatique. Sur le plateau, la rotation d’un vaste disque couvrant l’ensemble du salon met lentement en mouvement les meubles, voire les comédiens. Les lignes bougent peu à peu, à mesure que les tensions se font jour.
The Little Foxes –Thomas Ostermeier © Arno Declair
C’est l’histoire d’un chantage au sein d’une fratrie minée par la cupidité. Les rapports de force se nouent autour d’ambitions et de rivalités acerbes. Le caractère entier et monomane de chacun des pauvres personnages est saillant : ce drame s’exprime tout en surface. Le spectacle est beau, efficace, minimaliste ; les acteurs sont percutants, irréprochables. Reste que la pièce de 1949 fait trop peu évoluer la situation, de sorte que la représentation ne tient pas la distance, mais s’essouffle de la dénonciation univoque de l’avidité financière des protagonistes. On passe un moment agréable, où l’on pourra découvrir les qualités de sertissage scénographique et de direction d’acteur de Thomas Ostermeier ; mais tous ceux qui le connaissent ne pourront voir dans sa dernière mise en scène une production qui égale les précédentes. L’exercice parvient pas à bien illustrer, mais non à magnifier ce thriller psychologique.
christophe giolito
La vipère (The Little Foxes)
de Lillian Hellman
Mise en scène : Thomas Ostermeier
Schaubühne am Lehniner Platz / Berlin
Avec : Ursina Lardi, David Ruland, Moritz Gottwald, Nina Hoss, Andreas Schröders, Mark Waschke, Iris Becher, Thomas Bading, Jenny König.
Scénographie Jan Pappelbaum ; dramaturgie Florian Borchmeyer ; costumes Dagmar Fabisch ; musique Malte Beckenbach ; lumières Urs Schönebaum.
Spectacle en allemand surtitré en français, créé le 18 janvier à la Schaubühne-Berlin, première en France.
Théâtre Les Gémeaux, 49, avenue Georges-Clemenceau, Sceaux (Hauts-de-Seine). RER Bourg-la-Reine. Tél. : 01–46-61–36-67. Du mardi au samedi à 20 h 45, dimanche à 17 heures, du 27 mars au 6 avril. De 18 à 27 euros. Durée : 2 h 10.