Ce 10 mars 1930, Agatha Christie fait route vers Ur, en Irak, en compagnie de Caroline Leblanc, envoyée spéciale de L’Express du Midi, qui vient interviewer l’éminent archéologue Charles Leonard Woolley. Agatha est distante et se garde bien de révéler son identité, elle craint la curiosité malsaine des journalistes, ayant eu l’occasion d’en souffrir.
Arrivée, Agatha tente de retrouver Katharine, l’épouse de l’archéologue, qui travaille sur le site et qui l’a invitée. Elle la trouve en colère, se disputant avec Anne Reilly, l’assistante irlandaise du professeur.
Agatha s’installe, fait connaissance avec les principaux membres de l’équipe et apprend très vite que le site connaît des soucis, que l’ambiance est délétère. Kate semble la fuir. Une rumeur évoque une malédiction. Des objets précieux sont volés, des gens se blessent. En pleine nuit, Agatha est réveillée par ce qui lui semble être des pleurs d’enfant. C’est une violente dispute entre Kate et son époux.
Agatha est intriguée quand elle découvre sous son lit, un chiffon ensanglanté qui contient un rouleau en argile portant des symboles. Comment est-il arrivé là et qui a pu le placer depuis son arrivée ? Et Kate finit par lui avouer qu’elle reçoit des lettres anonymes depuis une quinzaine de jours, des feuilles vierges, sauf la dernière qui porte des caractères akkadiens.
Pour aider son amie, Agatha commence une enquête à la manière d’Hercule Poirot…
Avec ce livre, dont le pilier central est Agatha Christie, Bénédicte Jourgeaud fait aussi bien, voire mieux, que son illustre personnage en matière d’intrigues retorses, rouées, habiles, d’énigmes et de retournements de situations.
Son héroïne a quarante ans, elle commence à se faire un nom dans la littérature policière anglaise. Elle a divorcé il y a quatre ans quand elle découvert que son époux la trompait. Elle a changé d’éditeur et prend ce voyage comme des vacances, n’ayant pas l’intention de commencer la rédaction d’un nouveau roman.
Bénédicte Jourgeaud intègre avec un savoir-faire remarquable de nombreux éléments de la vie de la Duchesse de la mort avec ses propres données. Elle conçoit ainsi une histoire passionnante, riche en informations de natures diverses. Elle brosse un portrait très réaliste de l’Anglaise, lui faisant évoquer sa manière d’écrire, la construction de ses livres, ses rapports avec ses héros, le travail sur leur profil, leur évolution. Elle présente sa nouvelle vie amoureuse avec cet homme de seize ans son cadet. Mais l’amour n’a que faire des différences d’âge, de statut social, de courant de pensées, de vie.
À travers le regard de son héroïne elle décrit avec précision l’organisation d’un chantier de fouilles, les différents intervenants de l’architecte-archéologue au dessinateur, du photographe à l’épigraphiste, et leurs conditions de travail et d’existence.
Elle intègre des individus tirés des romans d’Agatha mais aussi des personnages authentiques comme Marie Bonaparte, princesse de Grèce, cette disciple de Freud, pionnière de la psychanalyse et du plaisir féminin, donne des références comme ce livre de Gregorio Marañón, un universitaire espagnol, Freud qui semble avoir eu des contacts avec la romancière. Elle appuie son intrigue sur une anomalie corporelle et sur les souffrances de ceux qui en sont atteints.
Mais elle introduit beaucoup de touches d’humour quand, par exemple, elle détaille le contenu des douze valises d’Agatha Christie, l’attitude de la romancière face à des révélations qui la mettent dans l’embarras par rapport à l’intime…
Avec ce nouveau livre, Bénédicte Jourgeaud signe un texte époustouflant par la richesse de son contenu, les sujets des intrigues qu’elle développe et l’art subtil de les raconter. C’est parfait !
serge perraud
Bénédicte Jourgeaud, Le mari parfait d’Agatha Christie, Éditions 10/18, coll. “Polar”, novembre 2024, 360 p. — 8,90 €.