Marie Dew, Fast Fashion Victims

La mode et ses victimes

Créatrice enjouée, Marie Dew est allée frap­per à la porte d’une ancienne friche indus­trielle afin de sol­li­ci­ter le concours de la struc­ture dans le cadre de son pro­jet Fast Fashion Vic­tims. L’artiste, douée pour les expé­ri­men­ta­tions, s’empare de dif­fé­rents mediums. Preuve que celle qui se défi­nis­sait comme pho­to­graphe, modèle, col­la­giste, auteure et per­for­meuse pour­suit son explo­ra­tion de nou­veaux moyens d’expression à tra­vers les mou­lages dans sou expo­si­tion mix media.

Présen­tée sous forme d’installation, cette col­lec­tion expé­ri­men­tale de 23 mou­lages et 11 machines à coudre anciennes « fait dia­lo­guer la pesan­teur et la gra­vité du sujet avec la légè­reté des corps de femmes brillant par leur absence. Coquilles vides, alté­rées, étio­lées, rafis­to­lées, les femmes fan­tômes hantent l’espace des sheds, lieu qui accueillait autre­fois le filage en grand des matières tex­tiles, sus­pen­dues dans le vide, dans toute leur fra­gi­lité d’écorchées vives », pré­cise l’artiste.

Elle y invite dif­fé­rents artistes dont les membres du CRP (Centre de Res­source Pho­to­gra­phie) de Lure qui pro­posent une série pho­to­gra­phique col­lec­tive réa­li­sée lors de la créa­tion de la série de mou­lages. Et le vidéaste Fran­cis Mal­a­pris offre sa vision de la per­for­mance de Marie Dew. La bande sonore a été réa­li­sée arti­sa­na­le­ment et de concert par pH et Marie Dew elle-même.

Ce tra­vail plas­tique et esthé­tique est remis en contexte grâce à la pré­sence du col­lec­tif Ethique sur l’étiquette et confère à cette expo­si­tion son carac­tère réso­lu­ment mili­tant. Tout est  vite pro­duit et vite consommé car la Fast Fashion consiste à « pro­duire loin, à bas coût, des vête­ments si bon mar­ché et de si piètre qua­lité qu’ils sont consi­dé­rés comme jetables. ». Mais cette expo­si­tion n’oublie pas que la Fast Fashion implique les « vic­tims » : à savoir, des consom­ma­teurs, des com­plices de l’industrie de la mode fon­dée par le pro­fit et qui met à mal les droits humains (tra­vail des mineurs, insé­cu­rité des lieux de tra­vail, uti­li­sa­tion de pro­duits pol­luants, etc.).

L’objec­tif est déran­geant et sym­bo­lique pour mon­trer nos diverses res­pon­sa­bi­li­tés et notre prise de conscience. « A par­tir de sang, brû­lés, muti­lés… ce sont les traces de ces invi­sibles que je sou­haite don­ner à voir, comme autant de fan­tômes. », indique l’artiste. Sous les yeux du spec­ta­teur, une simple séance d’essayage au retour de shop­ping se trans­forme en scène de crime. « Macu­lées de sang, les robes blanches se trans­forment en robes rouges iné­luc­ta­ble­ment, en un bal­let répé­ti­tif et obsé­dant », ajoute-t-elle.

Par cette mul­ti­tude d’instants et de regards, la cohé­rence émerge de la notion de matière, habi­tuel­le­ment asso­ciée au tou­cher, ici ren­due visible pour les yeux. Marie Dew — crise d’adolescence vol­ca­nique oubliée — pour­suit rébel­lion, pro­vo­ca­tion, soit un tra­vail d’expérimentation, de  spon­ta­néité, avec urgence brute et prise de risques.

jean-paul gavard-perret

Marie Dew, Fast Fashion Vic­tims, Volumes / Ins­tal­la­tion, Per­for­mance, Vidéo, Créa­tion sonore, Pho­to­gra­phies, La Fila­ture de Ron­champ, Cour des Arti­sans #2– 20B rue Paul Strauss, 70250 RONCHAMPdu 11 au 20 octobre 2024.

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