Un équipage de conquistadors, commandé par Santoro, est en difficulté. Ils en viennent à tirer au sort le mousse qui sera… mangé. Le sort désigne un gamin que protège José en prenant sa place. Mais celui-ci ne veut pas finir dans une marmite. Il fuit dans les cordages et du haut d’un mat aperçoit une île. À terre, il doit aller récupérer, dans des conditions acrobatiques, le singe que Santoro a tiré. Seulement blessé, l’animal jaune à taches noires et à la queue interminable, se défend et ils tombent tous les deux dans une rivière.
José se réveille au sein de la tribu des indiens Chahutas. Le mousse découvre alors que le shamane des lieux a lié son esprit à celui du marsupilami. Ils ressentent les souffrances, les émotions de l’un et de l’autre. Mais cette relation privilégiée va vite être extrêmement compliquée par la soif de l’or du capitaine et de son équipage…
Ce marsupilami offre à Lewis Trondheim la possibilité de développer, avec un nouvel angle, un de ses sujets de prédilection dans un récit d’aventures échevelées. Il explore ainsi la cupidité des hommes, la quête de domination et de richesse. Et actuellement ce type de déchéances humaines fleurit. Il montre ces artifices employés, ceux-ci n’hésitant pas à se réclamer du divin et à jouer avec la peur et la superstition.
Il conçoit, pour servir son histoire, un capitaine sanguinaire, un prêtre à la morale plus que douteuse mais n’épargne pas les acteurs locaux qui multiplient les sacrifices humains. Toutefois, le scénariste surfe sur les limites ambiguës entre les superstitions et le surnaturel, exposant que la présence de charlatans occulte la réalité d’une certaine magie, de ces phénomènes inexplicables. Il revient sur l’absurdité de convoquer des dieux pour nuire aux vivants.
Alexis Nesme met en images cette histoire en couleurs directes. Il offre une interprétation graphique surprenante et originale. Il signe des atmosphères denses, des clairs-obscurs empreints de merveilleux. S’il s’éloigne du modèle réalisé par André Franquin, qui s’intégrait dans l’école de Marcinelle, il donne un dessin vivant, très crédible, tout en rondeur. Ses dessins de jungle sont fabuleux. Le choix de l’éditeur pour un format 250 mm x 330 mm est à souligner pour renforcer la beauté de ces pages.
µLes deux auteurs offrent une histoire du marsupilami aussi mordante qu’un piranha, divertissante au possible mais propice à la réflexion.
serge perraud
Lewis Trondheim (scénario) & Alexis Nesme (dessin en couleurs directes), Le Marsupilami de Nesme & Trondheim — El Diablo, Dupuis, coll. “Tous publics”, novembre 2024, 64 p. — 17,95 €.