Une série foisonnante, décalée et uchronique…
Kong Crew est une unité de pilotes chargée de surveiller Manhattan. Cette île est devenue une jungle où rien ne doit rentrer et d’où rien ne doit sortir. Cette situation ubuesque est née en 1933 quand des individus ont ramené Kong, ce gorille géant, à New York. Il a survécu aux attaques de l’aviation alors qu’il était perché au sommet d’un gratte-ciel. Depuis dix ans, il règne en maître sur ce territoire où une faune connaît une étrange évolution. Des dinosaures ont réapparu, des crocodiles peuplent les égouts, des animaux préhistoriques se développent et se multiplient.
Virgil Price, proche de Betty Pearl, une infirmière, s’est crashé sur l’île lors d’une mission de surveillance. Son teckel, Spit, est parti à sa recherche et se retrouve au milieu de cette faune féroce. Depuis, Betty a appris à voler et mobilise l’opinion pour amener les autorités à retrouver le pilote en mettant en avant le teckel. Et ce dernier devient un enjeu national au point que le Président, lui-même, donne l’ordre de le ramener.
Mais dans Manhattan, différents individus se débattent pour survivre et…
Éric Hérenguel développe un récit qui pose de réelles questions relatives à notre époque tout en offrant une suite d’actions intenses d’où l’humour n’est pas oublié, bien au contraire. L’auteur, avec ce singe géant, illustre de manière excessive les problèmes posés par le transport d’animaux, d’insectes, de larves et autres, sortis de leur environnement et placés dans un nouveau milieu où ils ne trouvent pas de prédateurs pour en limiter l’expansion. Ainsi, transplanter Kong à New York amène à le transformer en catastrophe naturelle comme le sont ce que l’on appelle les espèces invasives telles que les frelons asiatiques qui mettent en péril la pollinisation. Mais si les New-Yorkais le considèrent comme un monstre, il n’est qu’un représentant de son espèce.
Deux visions sont proposées, celle relative aux actions menées à l’extérieur par une population et celle de l’intérieur où l’auteur propose de suivre les péripéties vécues de quelques individus. Outre Virgil et son teckel, se débattent des soldats de l’US Army, un scientifique, un journaliste et une société d’Amazones bien armées. De plus, un bestiaire venu de la Préhistoire assure sa survie à sa manière. Et l’auteur n’hésite pas à se débarrasser de façon brutale de nombre de ses personnages.
Les dialogues sont pétillants, le ton général est à l’humour, à l’aventure débridée sans négliger une part de réflexion.
Avec son dessin réaliste, d’une grande expressivité, d’une belle précision, Hérenguel livre des planches superbes où prime l’action, une action tonique où tous les coups sont permis. Si les personnages sont campés avec pragmatisme, les décors sont particulièrement attractifs et le bestiaire d’une belle authenticité. Le contraste entre ces animaux venus de la nuit des temps et une ville de New York noyée sous une flore envahissante ajoute une ambiance bien curieuse.
Ce tome 3 conforte une série qui mérite plus que le détour pour son aspect de fable écologique associée à des aventures bien étonnantes. Et une suite est annoncée !
serge perraud
Éric Hérenguel, The Kong Crew — t.03 : Central dark, Ankama Éditions, Novembre 2024, 96 p. — 17,90 €.