Daniel Dezeuze, Journal au bord de l’eau

Là où l’eau conti­nue d’avancer

Plon­ger dans les « Car­nets » (2000–2023) de Dezeuze est une mine et un puits de “science”. Et c’est la preuve que son écri­ture au quo­ti­dien est autant inté­res­sant que son art. Ses mots per­mettent ainsi et entre autres  à Fluxus comme à Supports-Surfaces de n’être pas voués en rien au rela­ti­visme.
L’auteur est ici artiste et funam­bule. Pour preuve, « A-t-on besoin de la terre ferme avant (ou après) s’être lancé du tra­pèze ? »  dit-il. Et pour lui, chan­ger d’agrès vaut manière de rete­nir la pein­ture par son écri­ture. Il se per­met à son usage un cer­tain pit­to­resque “(pin­to­resco)” des faits, des spé­cu­la­tions voire d’une uto­pie (sa pro­fon­deur cachée).

Pas ques­tion pour lui de se cou­per la langue. Certes, il caresse une modes­tie : « J’écris pour moi », avoue-t-il,  en sur­face et sur un tel sup­port. Mais le voici magi­cien : la “chan­son­nette artis­tique avec ses doutes méta­phy­siques” qu’il connaît chez lui et chez les autres, il la pra­tique dans ses diverses capa­ci­tés. Bref, l’écriture – comme l’art – reste les (si bonnes) mala­dies dont on ne gué­rit pas.
Dezeuze met son éner­gie au ser­vice d’une expres­sion et d’une tech­nique plas­tiques. Les deux sont les ser­vantes de vibra­tions. Et il n’en finit jamais. Pour preuve, ces notes sont ici un pas­sage là où l’eau, aussi, conti­nue d’avancer. Avec leur publi­ca­tion, il marque point par point des élé­ments pic­tu­raux (par­fois avec de pro­fondes simi­li­tudes) sans recours à l’harmonie natu­relle mais plastique.

Cette der­nière, il la pra­tique en modu­la­tions et humour pour ouvrir le regard (et la lec­ture) à des connais­sances dis­tinctes. Certes, ses enchères sont incons­tantes à la rai­son : il existe donc chez lui un atta­che­ment reven­di­qué aux théo­ries sou­mises à une cer­taine relâche. Tou­te­fois, nous pou­vons rap­pro­cher ici le créa­teur de la théo­rie (car­té­sienne) de ses pas­sions. Preuve de fait que, phy­si­que­ment, ce que Dezeuze invente consiste à pro­vo­quer des émo­tions et sen­ti­ments mais aussi l’intelligence et la médi­ta­tion selon ses « média­tions », rem­parts contre cer­tains chaos et confir­ma­tions d’un parti pris de l’art et de l’écriture. Les deux chez lui s’ordonnent au fil de son eau et ses bons tonneaux.

jean-paul gavard-perret

Daniel Dezeuze, Jour­nal au bord de l’eau, Tara­buste, Saint Benoit de Sault, 2024, 216 p. — 16,00 €.

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