Roberto Giangrande, Incompiuto

Ce qui reste, ce qui est arrivé

Le pho­to­graphe ita­lien Roberto Gian­grande est fas­ciné par les bâti­ments, ponts, auto­routes inache­vés qui par­sèment l’Italie. Ce phé­no­mène d’inachèvement et de quasi ruines du pré­sent n’est pas du même genre que les mai­sons long­temps lais­sées d’apparence à l’abandon en Grèce pour rai­son d’impôts exemple. En Ita­lie, de telles struc­tures vacantes sont liées à la crise éco­no­mique de 2008 mais aussi à un phé­no­mène plus endémique.

Des vil­las à flanc de col­line à Palerme sont dans l’attente de fini­tions depuis 30 ans, comme dans ce laps de temps un ter­rain de foot­ball accom­pa­gné de gra­dins, d’une piste d’athlétisme à Taviano dan s les Pouilles. Mais existent aussi, un hôpi­tal, un immeuble, un pont, et tant d’autres œuvres humaines qui ne connaissent pas d’activité, de vie, et même d’utilité. Avec ses cou­leurs pas­tels, les pho­tos de Roberto Gian­grande pres­sentent l’usure, l’effacement pro­gres­sif. Lequel est le résul­tat de délits divers et variés : mafias, col­lec­ti­vi­tés locales, poli­tiques cor­rom­pus et ces lieux ne sont pas l’apanage des régions les plus pauvres du sud.

Mais pour le pho­to­graphe, la popu­la­tion ita­lienne paraît délais­sée, mise à l’écart, comme si elle n’avait pas de réelle impor­tance. L’argent prend plus d’importance que la vie au pro­fit du vide plus attrayant pour les pro­mo­teurs mafieux et la cor­rup­tion. L’Italie pré­sente sou­vent ce visage d’un pays par­couru par des formes d’illégalités presque folk­lo­riques et ces images ne font que ren­for­cer cette idée.

Cela n’est pas une spé­ci­fi­cité du pays. Le monde se couvre de plus en plus de béton et se mul­ti­plient ces annonces de catas­trophes par gâchis d’ espaces natu­rels, imper­méa­bi­li­sa­tion des sols, accé­lé­ra­tion du réchauf­fe­ment pour fra­gi­li­ser le vivant. De fait et presque “natu­rel­le­ment”, les pho­to­gra­phies de Gian­grande créent un monde dys­to­pique d’où l’Homme a dis­paru, lais­sant der­rière lui des lieux sans âmes. Ce livre devient un roman d’anticipation tra­gique de ce qui arrive.

Roberto Gian­grande, Incom­piuto, édi­tions Light­Mo­tiv, 2024, 139 p. — 40,00 €.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Chapeau bas, Echos d'Italie / Echi dell'Italia

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>