Clotilde Bruneau & Gianenrico Bonacorsi, La Belle au Bois dormant

La puis­sance de l’amour…

Les auteurs dénombrent au moins cinq ver­sions de La Belle au Bois dor­mant. Ces contes se struc­turent de façon assez proche, met­tant en scène des per­son­nages rela­ti­ve­ment res­sem­blants. Tou­te­fois, il existe entre elles des dif­fé­rences quant à l’objectif et à la moti­va­tion des pro­ta­go­nistes.
Les auteurs pro­posent deux de ces ver­sions qui pré­sentent des dif­fé­rences notables, un conte dénommé Frère-de-Joie et Sœur-de-Plaisir d’un auteur inconnu du XIVe siècle et celle de Charles Per­rault, écrite en 1697 avec pour titre La Belle au Bois dor­mant.

Au châ­teau de Gint-Senay, lors d’un ban­quet, la prin­cesse s’effondre, la tête dans son plat. Si elle paraît morte, elle garde son teint frais, ses joues roses… Son père décide de la mettre à l’abri en atten­dant un hypo­thé­tique retour de la conscience. Seul le couple royal peut aller la voir ayant connais­sance de la magie utile pour fran­chir le pont de verre enchanté.
Le prince de Flo­riande, informé par les rumeurs sur la situa­tion, décide d’aller à Rome deman­der à Vir­gile de lui livrer ses secrets. Mais le jeune homme commet…

Charles Per­rault intro­duit des fées et une malé­dic­tion pro­fé­rée par une fée qui pro­met la mort de la prin­cesse qui vient d’être bap­ti­sée. Cette malé­dic­tion, à défaut de pou­voir être annu­lée, est atté­nuée par une autre mar­raine du pou­pon qui change la mort en som­meil et pro­met le réveil par un fils de roi.
Deux prin­cesses subissent un tour­ment mais sont sau­vées par l’amour que leur portent des pré­ten­dants aux épou­sailles. Si le pre­mier, moins roman­tique, pro­fite de la situa­tion, à l’image de ce qui s’est passé dans la région de Car­pen­tras, le second fera de son amour l’outil pour sau­ver la belle. Les dif­fi­cul­tés vien­dront après…

La scé­na­riste ins­talle les récits de belle manière en met­tant le pro­jec­teur sur ces femmes endor­mies et donc sans défenses. Elle met en scène la situa­tion désar­mée de ces héroïnes inca­pables de prendre leur des­tin en main, vic­times non consen­tantes d’un exté­rieur peu relui­sant.
C’est à Gia­nen­rico Bona­corsi qu’il revient d’assurer le des­sin. Il retient un gra­phisme réa­liste, aux lignes pures et d’une grande effi­ca­cité pour les mou­ve­ments et les expres­sions de ses per­son­nages. Avec une mise en page pre­nant en compte, avec jus­tesse, les péri­pé­ties des scé­na­rii, il offre des planches riche­ment mises en cou­leurs par Simon Cham­pe­lo­vier qui a su adap­ter ses teintes à l’ambiance à restituer.

Un dos­sier signé de Luc Ferry, inti­tulé La Belle endor­mie où com­ment l’amour peut sau­ver, explore en dix pages, sur­tout, les pre­mières ver­sions. Ces ver­sions ori­gi­nales sont plus riches et plus inté­res­santes que les adap­ta­tions plus popu­laires de Charles Per­rault (1696 ou 1697 ?) et des frères Grimm (La Prin­cesse Fleur-d’Épine — 1812). Dans cette étude, il est fait réfé­rence à Bet­tel­heim et son célé­bris­sime Psy­cha­na­lyse des contes de fées, ainsi qu’au modèle issu des Mille et une nuits. L’illustration de ce dos­sier est de qua­lité avec, entre autres, quatre gra­vures de Gus­tave Doré qui rap­pelle, si besoin était, le génie de ce dessinateur.

Un album inté­res­sant à de nom­breux points de vue, qui ins­crit dans la col­lec­tion La sagesse des mythes, contes et légendes, une belle lec­ture du mythe.

serge per­raud

Clo­tilde Bru­neau (scé­na­rio), Gia­nen­rico Bona­corsi (des­sin et story-board) & Simon Cham­pe­lo­vier (cou­leurs), La Belle au Bois dor­mant, Glé­nat, coll. “La Sagesse des mythes”, novembre 2024, 72 p. — 16,95 €.

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