Dans ce journal (quasiment d’une part de sa folie et son hospitalisation) “à l’orée des précipices à l’aventure des Esprits correspond la Nuit”, l’auteur a pensé à Klee et en filigrane à Artaud enpensées et passions sabbatiques où tout est confus, tout se trouble. L’auteur retrace ses pérégrinations et ses issues de secours dont l’écriture n’est pas pour rien. Elle le sauve tout en « photographiant » ce qui fut dans ce Journal. Souvent en ramenant souvenirs et lectures d’avant et parfois d’après.
De cette confusion se dégage un ordre où « le savoir est un épi de blé qui nous interroge » face à l’insensé et pour retrouver l’amour (dont celui de la vie) par l’écriture pour plonger dans et concevoir le sens de la vie. Guidé par des semaine d’indécision, au-delà de la voyance, l’auteur attendait sa libération hors du différent et du sombre. Il en retrace sources et situations au milieu des neuroleptiques. Le tout passant du mystique et du religieux à une forme de recréation.
D’où et aussi ce témoignage sur la maladie psychique et ses avatars pour espérer rejoindre du neuf, de l’inédit lavé d’une pluie salvatrice, d’un soleil rédempteur. Bref, pour que son «moi » de l’époque redevienne un autre et ce qu’il va être, produisant parfois « un poème, une ébauche de roman ou de pièce de théâtre, des formes au stylo, au feutre, au crayon, à la gouache, à l’acrylique, à l’huile et au pastel, du tachisme à l’abstrait expressionniste, des figures humaines naïves, grossières, des paysages urbains issus d’un passé recomposé ».
Et d’ajouter : « Je ne sais pas dessiner, je n’ai pas de technique, mais je crée quand même. J’ai été à l’école de mes nuits, j’ai pris des cours avec mes hallucinations. » L’écriture peu à peu le sauve car elle n’use pas l’espérance. Tout compte fait, « La littérature c’est davantage pourquoi écrire que comment écrire même si comment importe beaucoup ! C’est ce que j’ai réussi le mieux, écrire, non pas travailler, connaître une vie sociale et professionnelle normative », précise l’auteur. Il aspire à une légèreté par une pensée dont le pistil prend essor.
jean-paul gavard-perret
Eric Dubois, Journal, Éditions Douro, collection La Bleu Turquin, 2024 — 20,00 €.