Bataille éclaire le monde sans illusion depuis le tréfonds de son univers noir. Amateur des insomnies dès trois heures du matin, il ne semblait plus s’endormir jamais même s’il avait le don d’y plonger n’importe où. Ne désirant jamais s’ennuyer pour faire le mort par avance, il lisait des montagnes de livres : le jour en grand beau temps, la nuit — le temps perdu ou retrouvé — pour fructifier sa pensée.
Il a traversé l’alternance de ténèbres et de lumières avec la conscience du néant mais en vue d’établir un Paradis sur terre (épouse comprise) dans de beaux draps. Pour elle, il songea à “La vita nova” de Dante : mais le ciel ne fut jamais assez vaste pour contenir la beauté du monde ni l’esprit d’un homme pensant. A la couleur pointée de ses voyelles, il tint longtemps le coup face à l’idée d’effacement pour l’une et la disparition pour lui afin de toucher au plus près une éternité — surtout vers la fin.
jean-paul gavard-perret
photo : Bob Adelman