L’idée des stèles a donné à Sophie Calle l’idée d’une présence d’un partenaire incontournable, principalement des cimetières. Cette mémoire affective et souvent formatée du marbre fut et reste (tant bien que mal) une industrie, et un objet de communication asservi à quelques ondes qui jouent avec sa matière. Les familles les utilisent souvent avec une palette réduite, simplifiée et peu variée.
C’est d’ailleurs le choix minimaliste de Sophie Calle. Dans ses prises, elle suggère que les mots simples sont les plus fort pour un pathos particulier et une forme de dialogue et de rappel. Les stèles n’appartiennent qu’à un réseau social narcissique mis dans l’abondance des sentiments. Mais le passant se questionne lorsqu’il se retrouve une image dignes de son mot dès que l’occasion se présente. Le lecteur du livre le regarde autrement, et perçoit une émotion quasiment anonyme.
Ces stèles – souvent de piètre pseudos-créations — restent susceptibles d’attirer l’attention dans la diversité technique du graphisme d’un éternel retour.
Sophie Calle suggère de la sorte un forme de catalogue de toutes les réalisations d’un retour. Une génération par exemple passe non à côté de la plaque mais dessus. De telles pièces faites pour soigner des bobos psychologiques sont de mauvaises techniques. Mais elles créent ici d’excellentes photographies arrimées à une passion mémorielle. Leurs implications sont loin des investissements personnels des valeureux ancêtres. Il n’est pas facile de remettre la machine en marche mais elles se veulent des phénix de pierre et porteuses d’indices qui laissent présager des jours douloureux..
La question du livre de Sophie Calle — dans lequel des réponses ont été rajoutées, provenant du livre d’or de ses expositions au Centre de la Vieille Charité à Marseille en 2019 et au Kunstmuseum de Ravensbourg en 2020 – crée un parcours entre humour et chagrin, réunissant ses thèmes de prédilection dont le deuil. Au fur et à mesure que la mort s’est faite plus présente dans sa vie, elle a investi le territoire artistique de Sophie Calle dont l’exposition Beau doublé, Monsieur le marquis se clôturait sur un livre d’or dans lequel une question était posée aux visiteurs : « Que faites-vous de vos morts ? »
jean-paul gavard-perret
Sophie Calle, Que faites-vous de vos morts ?, Actes Sud, 2024, 272 p. — 35,00 €.