Xavier Boissel, Fonds noirs

Les arcanes fétides des par­tis politiques

Le finan­ce­ment des par­tis poli­tiques, quel que soit le cou­rant poli­tique, est une source riche en intrigues et menées occultes. Mais la fic­tion, dans ce cas, est trop sou­vent dépas­sée par la réa­lité. Faire vivre les struc­tures, payer les cam­pagnes et les per­ma­nents, finan­cer les caprices et la gabe­gie des ténors, revient de plus en plus cher. Certes, le contri­buable fran­çais met la main à la poche mais cela ne suf­fit pas tant les dépenses dis­pen­dieuses sont impor­tantes. Il faut alors trou­ver d’autres sources.

À Paris, en jan­vier 1986, le com­mis­saire Fabien Wou­ters, après l’enterrement d’Eperlan (Voir Som­meil de cendres, même édi­teur — 2023) qui fut son adjoint pen­dant trois ans, ne croit plus en sa mis­sion et veut deman­der sa retraite anti­ci­pée. Il a le sen­ti­ment de lais­ser der­rière lui un tas d’ordures à ciel ouvert. Il repense à Anna­belle Kowalski, cette jeune fille venue le voir sur le conseil de sa nièce. Celle-ci ne croit pas au sui­cide de son père, un expert-comptable reconnu sur la place de Paris, même s’il n’allait pas bien ces der­niers temps. Il s’est défé­nes­tré depuis son appar­te­ment, au cin­quième étage, il y a un mois. Elle étaye son sen­ti­ment sur des faits trou­blants, entre autre le cam­brio­lage récent de leur villa dans le Lube­ron.
Sur place, Wou­ters observe et remarque un chan­tier dans l’immeuble d’en face. C’est le chef d’équipe qui lui met la puce à l’oreille lorsqu’il évoque qu’un de ses gars avait été très cho­qué quand il avait assisté à la chute. Or, il est tombé de l’échafaudage deux jours après.
En ques­tion­nant, il apprend que Lukasz Kowalski tra­vaillait à titre gra­cieux pour le PS, lorsque des fonds étaient enga­gés pour des cam­pagnes élec­to­rales. Et quand le com­mis­saire s’approche de la vérité…

L’auteur met en place un récit qui débute par un appa­rent sui­cide. Un homme, revenu de tout, va s’impliquer pour aller jusqu’au bout par défi per­son­nel, pour prou­ver qu’il peut encore être utile, se dire que sa vie n’a pas été un triste leurre.
Le ton du récit est sombre. L’auteur donne une belle place aux réflexions des pro­ta­go­nistes, que ce soit celles des héros comme celles de per­sonnes bien moins recom­man­dables. Xavier Bois­sel s’attache à une nar­ra­tion pré­cise, une image pré­cise des décors, de l’ambiance des lieux où s’installent les per­son­nages, l’atmosphère des cadres où ils s’activent. Il apporte une forte dimen­sion humaine avec la des­crip­tion des acti­vi­tés des uns et des autres. Tou­te­fois, le héros n’est pas un James Bond sans cesse en mou­ve­ment dans des péri­pé­ties dyna­mi­sées. Mais il est entiè­re­ment mobi­lisé par son affaire.

Le roman­cier place de nom­breux détails iden­ti­fiant bien l’année 1986 comme, par exemple, cette publi­cité où un escroc fait la pro­mo­tion de piles. Il évoque l’installation à Paris de colonnes d’un artiste vague­ment moderne et parle, car il s’agitait déjà, d’un pseudo-philosophe en che­mise blanche.
Fonds noirs est un roman qui se dévore tant pour son sujet addic­tif que pour la menée de l’intrigue. Un excellent moment de lecture.

serge per­raud

Xavier Bois­sel, Fonds noirs, Édi­tions 10/18, coll. “Polar”, octobre 2024, 200 p. — 15 ‚90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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