La photographe précise l’enjeu de son livre : « Depuis que ma première-née peut marcher, une forte sensation d’inconfort m’envahit quand je la vois en présence d’hommes âgés. » A partir de ce malaise, et suite à la naissance de ses propres enfants, elle revient à son passé douloureux : il lui fallut vingt ans pour faire face à l’ombre de son grand-père qui a abusé d’elle pendant de nombreuses années.
Sur cette forme d’album de famille, elle le confine à ce statut d’ombre, découpant sa silhouette pour évoquer la menace qu’il représentait et qu’elle a retiré de sa vie. Sur ses clichés apparaît donc une jeune enfant, souriante, réservée, à côté de cette présence pour le moins - et c’est peu dire - « encombrante ».
Ces archives familiales dialoguent avec des photographies récentes prises sur le chemin qui relie la maison natale à celle du grand-père. Des clichés font remonter ses souvenirs. Apparaît sur quelques pages un bébé, qui incarne la pureté de l’enfance, Mais entre les photographies et son grand-père, surgissent ces mots apocryphes « Je n’ai rien fait de mal ». Devant le désir du grand-père qui la tua, ce livre devient un exutoire et une rémission de ses douleurs premières.
jean-paul gavard-perret
Mika Sperling, Je n’ai rien fait de mal, Actes Sud, novembre, 2024, 156 p. — 29,00 €.