Les anciennes religions qui exigeaient des sacrifices pour apaiser les dieux, ou pour obtenir des faveurs, offrent la matière d’intrigues musclées et de belles possibilités de péripéties.
À Stockholm, une jeune femme quitte une clinique pour un nouveau chapitre de son existence, voire une renaissance. Mais il lui reste une épreuve à affronter. Elle le souhaite contre l’avis de sa psychologue et retrouve une journaliste pour une interview. Celle-ci l’appelle Dr Lund et lui demande de commencer… par le commencement.
Elle a perdu ses parents alors qu’elle n’avait que trois mois. Adoptée par un couple, elle a été choyée plus que de raison sans être, toutefois, coupée de ses origines. Elle entame des études de médecine mais s’oriente vers le domaine légal. Munie de son diplôme, elle intègre l’institut de Göteborg. Alors qu’elle est de garde, malgré le fait qu’elle soit novice, elle doit se rendre dans un coin perdu à trente kilomètres. De nombreux policiers sont sur place. Ce qu’elle découvre lui donne un aller simple pour l’enfer. Elle voit un corps d’homme mutilé accroché à un poteau et entouré d’un cérémonial bien macabre.
Ce qu’elle constate à l’autopsie la terrorise. Tout a été fait pour que la victime reste vivante pendant les nombreuses heures où le meurtrier la découpait. C’est un spécialiste en archéologie médiévale qui apporte une explication. Il s’agit d’un sacrifice rituel selon l’Ásatrú, La foi des Ases…
En exhumant une croyance nordique, remise au goût du jour par un taré de la plus belle espèce, Antoine Tracqui apprête une histoire riche en éléments mystiques et mystérieux. À cette base déjà riche en faits sanglants, il ajoute une belle part de médecine légale. C’est un domaine qu’il connaît et qu’il maîtrise, pratiquant lui-même cette science en tant que médecin légiste spécialiste en toxicologie.
Il place une jeune femme, tout juste diplômée, au cœur d’une sombre affaire et pousse le propos jusqu’à mettre en danger sa personnalité et sa personne. Il installe un scénario riche en données obscures, utilisant au mieux les vieux langages, les alphabets anciens comme ces runes qui avaient cours dans un passé lointain. Il brouille quelque peu les pistes avec des données mal utilisées et termine son récit par un final très tendu.
Le graphisme est assuré par un trio de créateurs italiens de l’Arancia Studio, Francesca Follini pour le storyboard, Paolo Antiga pour le dessin et Antonino Giustoliano pour la mise en couleurs. Le dessin est réaliste au possible, donnant à voir les résultats des sacrifices et le travail de la légiste. Les traits sont précis, que ce soit pour les protagonistes, la mise en scène des actions ou les décors représentés au plus justes. L’organisation de la mise en pages est attractive. L’ensemble graphique est tout à fait en osmose avec le scénario. Cette osmose est renforcée par des couleurs adéquates, mettant en valeur l’atmosphère hivernale.
Ce premier tome d’une série de trois albums mettant en scène trois séries de meurtres et trois médecins légistes se découvre avec intérêt tant pour le cadre, le contenu de l’intrigue, le traitement de celle-ci, que le graphisme aussi glacial que les décors.
serge perraud
Antoine Tracqui (scénario), Paolo Antiga (dessin) & Francesca Follini (storyboard), Antonio Giustoliano (couleurs), Autopsie — t.01 : Le Sacrificateur, Oxymore Éditions, octobre 2024, 64 p. — 15,95 €.