Ink is my blood est la collection de 6 livres totalisant 888 pages des dessins d’Apollonia Saintclair. Elle y célèbre l’amour, le désir et la sexualité. Erika Lust, pionnière de la pornographie féministe, Anthony Byrne, réalisateur de la célèbre série « Peaky Blinders », et bien d’autres sont en les préfaciers et préfacières de cette sublime série érotique qui se feuillète littéralement, dessin après dessin, désir après désir. Appels, échos, flashbacks en une forme de continuité subliminale qui devient le miroir de la façon de penser et de ressentir pour Appolonia.
Par ses dessins, elle avance nue sous ses dentelles, nue dans l’imbroglio des genres et d’une passementerie perverse. Elle prend, faussement, angélique les traits enfantins d’un archétype obsessionnel. L’amour pour elle n’est plus une menace assumée mais un jeu de poupée. Poupée âgée et pipée mais poupée tout de même qui ne craint plus l’épanouissement éphémère des roses du matin comme celle du soir qui restent ouvertes.
Ces mises en scène conservent la place d’une telle artiste dans la constellation surréaliste mais aussi celle de l’underground punk. Excentrique et comme capable de grossir à dessein certains détails ou positions, Appolonia Saintclair reste la précurseure de pratiques artistiques et corporelles qui tiennent à la fois d’une forme de désublimation (mais qui ne rejette pas le concept de beauté) et d’actionnisme en images. Celles-ci, dans leurs cérémonies, possèdent une fragilité exceptionnelle et semblent le fait d’une improvisation qui continue de vibrer.
La charge d’intensité érotique rappelle que toute rencontre reste un moment éphémère. Elle ramène au sentiment de la fugacité du temps et comporte un avant de (petite)mort.
jean-paul gavard-perret
Appolonia Saintclair, Ink is my blood, 6 volumes , Editions Encre Sympathique, 2024, 888 p. — 216,00 €.