Délit cas Tess

(Com­ment inter­pré­ter les rêves ?)

Le jour, elle obéit à la lumière, à la cha­leur, à l’eau — ses trois re-pères. La nuit, elle rêve abon­dam­ment, sans for­cé­ment élé­gance. Elle sait que je l’observe res­pi­rer : ça la révolte. Mais pour­tant je dors : mon léger ron­fle­ment est ma totale sou­mis­sion à l’air.
Le matin, elle classe ses songes dans son logi­ciel intime, flai­rant toute trace d’humidité dans ses images oni­riques. Elle sait si bien le faire dès que le soleil les sèche, le for­mat de l’aube est au prix élevé. Mais il reste tou­jours moins d’eau, tou­jours plus de lumière qui inves­tit son corps dans les deux sens — ver­ti­cal et horizontal.

Elle conquiert l’espace cen­ti­mètre par cen­ti­mètre dans sa rose­raie plan­tée sous mon regard, à sa merci. Les épines de ses songes témoignent de son passé plus sombre. Ils se tra­hissent eux-mêmes lorsqu’elle les écrit lais­sant par­fois un lap­sus calami ou même rien qu’une lettre omise ou inver­sée. Cela prend quelques heures même si son ortho­graphe reste irréprochable.

Mais elle m’appelle pour la relire en me trai­tant « son hor­reur ». Com­bien de temps dois-je attendre l’exécution? Aux pieds d’un tel bour­reau, je me jette entre fleurs pous­sié­reuses, tin­te­ment de l’encensoir et les traces où chaque rêve­rie ne mène nulle part dans la mai­son de l’être.

jean-paul gavard-perret

photo Ser­gio Larrain

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