Les “histoires de papiers” de Marie Bauthias invitent à des voyages. Entre autres reprises sur fond blanc, l’artiste met en exergue des supports utilitaires renvoyant autant aux carrés blancs de Malevitch qu’aux astuces de l’ancien mouvement « Supports-surfaces ». Les expérimentations de la Toulousaine chamboulent donc ce qui fut joué avant.
En conséquence, la notion même d’image et d’œuvre change partiellement puisque les éléments construits et assemblés sortent du sacré ou de l’utilitarisme. De ce dernier aspect pratique, leur statut perdent leur stabilité pour passer vers celui de l’immuable et plat là où se franchit le pont entre le réel et la plasticité. Les combinaisons et collages créent de l’illusion et de la beauté loin des leurres et laideurs des premiers matériaux ustensiles découpés ou dégradés.
Il convient de s’interroger sur l’effet de loque qu’une telle approche engendre et comment elle « inter-loque » le.a regardeur.euse. Se découvrent des masses-surfaces issues des simples éléments matriciel. Sont dégagées des zones par textures et morceaux travaillés. Une iconographie unique parle au sein même de la matière papier sans renvoyer pour autant une quelconque gloire céleste de l’image.
Une révélation trouve sa nouvelle cohérence (par tout ce qu’elle défait) selon une imagerie surréaliste, abstraite et hérétique. Entre le proche et l’étrange, tout tient ici du plaisir et de la pensée. Là où restent des stigmates de l’usure du temps, Marie Bauthias renverse nos habituelles perceptions. Le regardeur s’accroche à ce qui reste. Une peau morte tombée en désuétude est remplacée par sa renaissance. De ses arpents se dévoile une manière éloquente.
De telles opérations matérielles fascinantes émerge un paradoxal réalisme d’une clarté déchiffrable et désirable, éloignée de l’art traditionnel. Avec son savoir-faire et sa sensibilité extra-sensorielle, Marie Bauthias — tigresse des papiers — invente un art profond relevant du fantastique en ce qui se saisit dans l’art à bras où se révèle un faste, intuitif et inconscient en partie, laissant atteindre un plaisir et un sens à dresser et reconnaître - histoire de nous rassurer lorsque cet art s’apprête en douce à se quitter.
Mais l’œil, se rappelant d’anciennes présences, recycle, découvre des arcanes mais non pour nous informer de la prétendue réalité du monde. Emergent de nouveaux rapports où des “restes” métamorphosés érigent la merveille et l’évasion face aux plus désarmantes et périlleuses révélations.
jean-paul gavard-perret
Marie Bauthias, Histoires de papiers, Galerie 21, Toulouse, du 7 novembre 2024 au 29 janvier 2025.