Mathieu Lauffray s’inspire très librement, pour cette trilogie, de Black Vulmea’s Vengeance, une nouvelle de Robert E. Howard. À la place du pirate Terence Vulmea le Noir, il installe Raven.
Depuis deux albums, celui-ci court, se bat, échoue, réitère, cerné par les dangers les plus divers pour s’emparer du fabuleux trésor de Chichén Itzà sur l’île de Morne-au-Diable. Contre lui, il a un gouverneur, la capitaine Darksee, la bien nommée et sa bande de pirates, une tribu de cannibales.
Le troisième tome s’ouvre sur l’événement crucial de l’enfance de Raven quand un religieux dément veut le faire brûler avec les cadavres de sa famille. Il peut échapper aux flammes et trouve sur sa route un groupe de pirates. Le chef le baptise Raven. Son destin est scellé.
On le retrouve sur l’île en compagnie d’Anne de Montignac, de l’équipage du gouverneur assassiné, devant le voilier échoué. Les pirates n’ont pas su le manœuvrer pendant la tempête.
Or, la situation est critique. S’il a pu isoler la tempétueuse pirate, ses hommes sont très présents et les cannibales arrivent. Il réconforte Anne, lui disant qu’il a un plan. Il va alors expliquer aux forbans que le trésor n’existe pas. Cela ne les convainc pas. Et ceux-ci lui font savoir…
Les pirates, corsaires, et leur terrain de prédiction que sont Les caraïbes, représentent un fonds inusable pour structurer des aventures épiques. Le souffle du grand large peine cependant à purifier l’atmosphère. Si Howard ne se privait pas d’utiliser ces éléments pour nourrir ses nouvelles, Mathieu Lauffray montre qu’il sait aussi magnifiquement mettre en scène de telles aventures.
Il campe un héros-antihéros admirable qui, malgré des maladresses, des erreurs, des obstacles sans nombre, arrive à ses fins. Il navigue (quoi de plus normal pour un pirate) de situations dramatiques en positions périlleuses, réussissant toutefois à tromper son monde et à se sortir sans trop de dommages de ses épineuses manigances.
L’auteur complet privilégie l’action, la bagarre, les batailles, les assauts, les coups de feu, les combats au sabre pour le plus grand plaisir des lecteurs. D’ailleurs, ceux-ci ne s’y sont pas trompés quand on mesure le succès de la série.
Graphiquement, Mathieu Lauffray réalise des planches en couleurs directes qui enchantent le regard. Ses personnages sont reconnaissables au premier coup d’œil et il restitue des décors, que ce soit des forêts ou l’océan, d’une grande beauté.
Le scénariste offre un final dantesque avec une jolie pirouette qui, malgré le mot fin inscrit en bas de la dernière planche, pourrait ouvrir vers de nouveaux horizons.
serge perraud
Mathieu Lauffray (scénario, dessin et couleurs), Raven — T.03 : Furies, Dargaud, septembre 2024, 84 p. — 20,00 €.