Publié en 1974 par Maeght, il n’existe pas plus brillant témoignage que ce lien unissant poésie et peinture. En un survol élogieux de l’œuvre du peintre, André Pieyre de Mandiargues fait son autoportrait, toute bribes dehors et en traduisant le monde multiple d’un tel créateur. Selon l’auteur, pour Chagall il n’y a pas un seul séjour pour la vie. Il a animé des fous qu’il fallut faire plus dissipés que lui mais qui tournoient autour du poète. C’est comme un carrousel qui s’est emballé même si le peintre entouré des siens s’est enfermé dans son univers pictural.
Il y pansa ses plaies. Tout se passait comme si sa tête n’était pas guérie par peur de son ombre mais l’artiste sut offrir un éclairage surréaliste face au désarroi dans des situations où tout homme réel n’arrive jamais. Bref? ses personnages sont restés dans la maison des fous en un monde dont le peintre éprouvait la nostalgie. Il avait besoin d’eux et De Mandiargues de leurs antres, entre amertume et joie d’être parmi les siens. Revoilà ici, cheveux argent, l’élégant sibyllin créateur d’un univers d’autres terres et peuples.
Le poète rappelle que ce qui naît meurt et revit parfois près des maisons négligées dressées vers le ciel. Reste une fantaisie pour toujours sur des rives étroites et bancales et en pleins bonds faisant briller certains flotteurs cherchant du réconfort dans des images fragiles, agitées par le vent. Ils ont autant de vie qu’un souffle qui pourrait glaner, à la lune de minuit, des nuages d’étain teintés filant à toute vitesse.
jean-paul gavard-perret
André Pieyre de Mandiargues, Chagall, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2024, 80 p. — 18,00 €.