Philip Gray, Comme si nous étions des fantômes

La bataille de la Somme a été horrible

Ce roman n’est pas qu’un thril­ler his­to­rique, il décrit les drames vécus pen­dant les com­bats, ceux qui gra­ve­ment bles­sés sont deve­nus ce que l’on a appelé les Gueules cas­sées, des hommes aux visages trans­for­més, où man­quait une par­tie. Paral­lè­le­ment, l’auteur conte une his­toire d’amour, une tra­gé­die et la situa­tion sur les champs de bataille après la fin des com­bats. Il relate le tra­vail mené pour recon­naître des corps, des restes, iden­ti­fier ceux qui sont mis au jour dans la boue, au cœur des tranchées.

C’est aussi la des­crip­tion des condi­tions des sol­dats au com­bat, des moyens uti­li­sés par les hommes pour cana­li­ser, atté­nuer, endi­guer la peur, l’angoisse quand ils sont dans l’attente des assauts enne­mis, quand l’artillerie laboure les ter­rains autour d’eux. C’est aussi le dan­ger pour ces volon­taires qui risque l’explosion d’armes enfouies qu’un seul coup peut faire écla­ter.
C’est aussi, à tra­vers le regard de l’héroïne, la décou­verte de ces situa­tions aux­quelles elle n’était pas pré­pa­rée du tout, ne connais­sant rien à la guerre, des trau­ma­tismes engen­drés et des séquelles.

Dans un hôpi­tal mili­taire anglais, en février 1919, un colo­nel défi­guré étouffe son voi­sin, un géné­ral, enfile son uni­forme et… dis­pa­raît. Le récit revient en 1916 quand Amy Van­neck, une jeune aris­to­crate ren­contre Edward Has­lam, un ensei­gnant en musique et en tombe amou­reuse. Or celui-ci, d’origine modeste, ne convient pas à la famille.
C’est dans le Nord de la France, en février 1919 que des mili­taires, aidés par des coo­lies chi­nois, traquent les restes de sol­dats, de muni­tions, d’armes. Il faut le cœur bien accro­ché dans l’odeur des mor­ceaux de corps en décom­po­si­tion. Un gradé est pré­venu d’une décou­verte effroyable au fond d’un boyau souterrain.

Edward, poussé par ce refus, par des évé­ne­ments, s’est engagé bien à contre­cœur. Il dis­pa­raît le 17 août 1918 sur le champ de bataille de la Somme. Amy décide de par­tir à sa recherche, de retrou­ver au moins son corps. La pré­sence d’une jeune femme, en 1919, sur un ancien lieu de com­bat n’est guère tolé­rée par l’autorité mili­taire. Mais il en faut plus à Amy, rejointe par Kitty qui recherche les restes de son frère…

Avec une par­tie his­to­rique riche­ment docu­men­tée, Phi­lip Gray met en œuvre une intrigue sub­tile mais ori­gi­nale, mêlant hor­reur et cou­rage. Il use d’une écri­ture très visuelle, allant à l’essentiel et évi­tant les péri­phrases dans ses des­crip­tions. Le tout donne un roman magni­fique qui éclaire sur les effroyables réa­li­tés de la guerre, bien loin de l’image don­née à tra­vers les par­cours de héros.

serge per­raud

Phi­lip Gray, Comme si nous étions des fan­tômes (Two Storm Wood), tra­duit de l’anglais par Élo­die Leplat, édi­tions 10/18 n°5998, coll. “Polar”, sep­tembre 2024, 528 p. — 9,60 €.

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