La bataille de la Somme a été horrible
Ce roman n’est pas qu’un thriller historique, il décrit les drames vécus pendant les combats, ceux qui gravement blessés sont devenus ce que l’on a appelé les Gueules cassées, des hommes aux visages transformés, où manquait une partie. Parallèlement, l’auteur conte une histoire d’amour, une tragédie et la situation sur les champs de bataille après la fin des combats. Il relate le travail mené pour reconnaître des corps, des restes, identifier ceux qui sont mis au jour dans la boue, au cœur des tranchées.
C’est aussi la description des conditions des soldats au combat, des moyens utilisés par les hommes pour canaliser, atténuer, endiguer la peur, l’angoisse quand ils sont dans l’attente des assauts ennemis, quand l’artillerie laboure les terrains autour d’eux. C’est aussi le danger pour ces volontaires qui risque l’explosion d’armes enfouies qu’un seul coup peut faire éclater.
C’est aussi, à travers le regard de l’héroïne, la découverte de ces situations auxquelles elle n’était pas préparée du tout, ne connaissant rien à la guerre, des traumatismes engendrés et des séquelles.
Dans un hôpital militaire anglais, en février 1919, un colonel défiguré étouffe son voisin, un général, enfile son uniforme et… disparaît. Le récit revient en 1916 quand Amy Vanneck, une jeune aristocrate rencontre Edward Haslam, un enseignant en musique et en tombe amoureuse. Or celui-ci, d’origine modeste, ne convient pas à la famille.
C’est dans le Nord de la France, en février 1919 que des militaires, aidés par des coolies chinois, traquent les restes de soldats, de munitions, d’armes. Il faut le cœur bien accroché dans l’odeur des morceaux de corps en décomposition. Un gradé est prévenu d’une découverte effroyable au fond d’un boyau souterrain.
Edward, poussé par ce refus, par des événements, s’est engagé bien à contrecœur. Il disparaît le 17 août 1918 sur le champ de bataille de la Somme. Amy décide de partir à sa recherche, de retrouver au moins son corps. La présence d’une jeune femme, en 1919, sur un ancien lieu de combat n’est guère tolérée par l’autorité militaire. Mais il en faut plus à Amy, rejointe par Kitty qui recherche les restes de son frère…
Avec une partie historique richement documentée, Philip Gray met en œuvre une intrigue subtile mais originale, mêlant horreur et courage. Il use d’une écriture très visuelle, allant à l’essentiel et évitant les périphrases dans ses descriptions. Le tout donne un roman magnifique qui éclaire sur les effroyables réalités de la guerre, bien loin de l’image donnée à travers les parcours de héros.
serge perraud
Philip Gray, Comme si nous étions des fantômes (Two Storm Wood), traduit de l’anglais par Élodie Leplat, éditions 10/18 n°5998, coll. “Polar”, septembre 2024, 528 p. — 9,60 €.