Alain Marc, La vie du cri

Extrême pointe de l’ utopie

Au « Fina­le­ment assez » de Beckett, s’oppose l’esthétique et éthique exis­ten­tielle dont Artaud ini­tia ce que pour­suit Alain Marc. Il ras­semble ici tout un immense cor­pus de réflexions sous divers formes et réponses. De texte en texte, de frag­ment en frag­ment dans « la » geste presque lita­nique de l’auteur, le cri est entre autre et sur­tout l’image de la souf­france, du corps mais dont l’onomatopée serait réductrice.

Pour un tel créa­teur, un  texte crie, à cause, ou parce qu’il y a la pré­sence de cer­tains mots, d’un cer­tain lexique, et c’est recon­naître la puis­sance du voca­bu­laire même si le cri ne réside pas dans le récit, dans son his­toire, mais dans son expres­sion. Chez cer­tains — dont Artaud -, il s’agit alors du mys­tère de la suf­fi­sance et de la beauté. Avec Alain Marc de telles pul­sions demeurent là où “le cri revient à par­ler une his­toire qui ne se raconte pas, ou à peine, qui ne se glace pas, ne suc­combe pas à la ten­ta­tion de l’embaumement nar­ra­tif. Rien de ras­su­rant dans ce che­mi­ne­ment, juste une expé­rience”, écrit-il.

Dans  ce livre, « vie et cri, cri et vie, écri­ture du cri, un cha­pe­let d’é cri(t)s reliés à l’encre sym­pa­thique d’une ipséité éche­ve­lée »  sont ras­sem­blés par lam­beaux et bien plus avec les états du poètes, ses notes, ses pen­sées dis­sé­mi­nées, incom­plètes par­fois dans ce qui devient le manuel du déses­poir donné à l’homme ainsi qu’une énigme à résoudre.
Cette ques­tion -  qui reste celle des cris tus ou ture­lures ou non — se cache dans les pro­fon­deurs du désir aussi (faux) témoin de son opposé. Tel est d’ailleurs et entre autres le «dilemme du père, et de l’amante, du père et de la femme, impos­sible, et de l’amour que nous recher­chons tou­jours plus grand. » 

Exor­ci­sant ses démons intimes et « paniques » (cf. Arra­bal), Alain Marc  énonce et pousse à bout  ce qui ici déclenche élan, fougue, et l’impétuosité de vérité. Preuve qu’écrire est une acti­vité vio­lente. Elle repousse, agresse, étreint sans aucune res­tric­tion. Telle est sa démarche subli­mée : sacrer un autre pou­voir. De l’émotion. Et plus.

jean-paul gavard-perret

Alain Marc, La vie du cri, pré­face de Jean-Philippe Tes­te­fort, édi­tions uni­cité, 2024, 280 p.

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