Erwann Rougé, Asile

Eloge de l’intime

Sur sa map­pe­monde intime, Rougé ne sait pas trop faire com­ment. Elle, sait com­ment. Il ne met pas la dou­leur de côté, car elle ne laisse rien tom­ber. Dans une sorte d’instinct, la chaîne sinon se casse, du moins « péclote ». Elle change l’allure du match de la vie et ne décla­rera jamais for­fait. L’auteur et son doc­teur s’improvisent char­la­tans, trouvent remède aux virus, tentent d’embellir avec le temps — vic­toire en fusillade ou croix qui jadis éclai­rait son vil­lage.
Bref existe la pente ascen­dante de la gué­ri­son. « Le front contre le mur / je m’envisage par le dedans / le froid et les odeurs /font venir des crises », reste mal­gré tout une sorte d’amour (de soi ? Des autres ?) même si des élé­ments phy­siques enva­hissent le chan­tier d’être en pio­chant avec le stress le char­nier de la providence.

Les fon­da­tions flottent sur des bateaux de papier qu’est ce livre : rien ne tient que des pro­messes de « par­rain » quand le corps tombe en pièce, visite après visite, en espé­rant que tout sera mieux demain. En amour, avec la nuit, s’atteignent des ter­ri­toires troubles. Pour­tant, il faut ani­mer le grand jeu avec par­ci­mo­nie même si per­sonne n’est épar­gné dans un lieu qui réserve un siège éjectable.

Autres poèmes, autres mœurs. À tra­vers le cock­pit de beau­coup d’années de « vivance », il faut jar­di­ner encore qui est l’homme sans peur de ses fron­tières en des frac­tions de som­meil. Hors-champ mais en asile, celui qui devient barde de son iso­le­ment et semble proche de démis­sion­ner tente de décap­su­ler ce qui pour­rait pétiller. Certes, les com­mis­sions médi­cales n’amènent pas la per­fec­tion mais seule la res­tric­tion. La liberté se mesure par la lon­gi­tude de la chaîne de celui qui pro­fi­ter du moment, même s’il sent comme trop peu humain  et c’est un cercle vicieux. Mais sans cla­quer les rimes, écrire c’est recom­mence à agir, s’en ficher des critiques.

Quant aux clas­siques :  à la pou­belle! Et ce, à force et après les nuits blanches de réflé­chir sur la nature des hommes et de se dres­ser encore de toute sa hau­teur quitte à se cour­ber. Erwann Rougé néan­moins demeure créa­teur du soleil ver­bal apte à irra­dier les idées de toutes sortes dans ces mondes-ci et les autres aussi,  en dépit de l’instantanéité de la vie tout en rete­nant le soi à tas de facettes dans une union moins que plus harmonique.

jean-paul gavard-perret

Erwann Rougé, Asile, Edi­tions Unes, Nice, 86 p. — 18,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Poésie

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