José-Luis Munuera, Peter Pan de Kensington

Les ori­gines de Peter Pan…

Peter Pan, la créa­tion de l’Écossais James Mat­thew Bar­rie, a d’abord été, en 1904, une pièce de théâtre avant de prendre la forme du célèbre roman Peter Pan et Wendy, paru en 1911. Mais Bar­rie avait, dès 1902, esquissé le per­son­nage dans un livre inti­tulé Le Petit Oiseau blanc. Dans ce livre d’atmosphère, six cha­pitres consti­tuant une par­tie presque auto­nome donnent nais­sance au per­son­nage. En 1906, le roman­cier reprend cette par­tie pour en faire un roman indé­pen­dant décri­vant les ori­gines de Peter Pan. Il ne sera publié en France qu’en 2006. C’est ce livre dont s’empare José-Luis Munuera pour en faire plus qu’une adap­ta­tion, presque une réécri­ture de l’œuvre, une réus­site littéraire.

Chaque ville recèle des endroits magiques où coha­bitent ce qui est, ce qui n’est pas et ce qui pour­rait être. À Londres, ce sont les jar­dins de Ken­sing­ton. Un cor­beau rejoint un rouge-gorge et ils phi­lo­sophent sur les êtres humains qu’ils voient s’agiter depuis la branche où ils sont per­chés.
Lorsque la nuit est tom­bée, que le jar­din est fermé, un autre uni­vers se met en mou­ve­ment. Mais, ce soir-là, les san­glots de la petite Mai­mie trouble le silence et l’ambiance. Les fées qui, le jour passent pour des fleurs, sont contra­riées et veulent lui gri­gno­ter ses petits doigts. Sur­git alors un enfant qui s’interpose. C’est Peter, un étrange gosse qui vole et qui ne pense qu’à s’amuser. Si Mai­mie veut qu’il l’aide à ren­trer chez elle, lui est trop heu­reux d’avoir de la com­pa­gnie et veut l’emmener à Ner­ver­land, le pays où les enfants ne gran­dissent pas…

Le texte sur lequel José-Luis Munuera construit son récit est certes poé­tique mais offrant peu de pistes sus­cep­tibles de nour­rir le scé­na­rio d’un album entier. S’appuyant cepen­dant sur cette ébauche, le créa­teur espa­gnol mixte les prin­ci­paux élé­ments du texte avec ceux du roman prin­ci­pal. Il pro­pose un Peter Pan conforme à ses pré­cé­dentes repré­sen­ta­tions, conserve la dimen­sion magique. Il peuple son his­toire de per­son­nages tout droit sor­tis du conte, les fées et leur reine minus­cule, Salo­mon le cor­beau bavard, les ombres, ces sil­houettes qui ter­ri­fient les enfants… Il fait une belle place à la petite fille qui par­tage la vedette avec Peter.
Il dénonce ce qui semble être le man­tra des adultes, l’apparence, ce souci de se mon­trer sous un jour qui n’est pas très sou­vent conforme à la per­son­na­lité mais qui fait illu­sion. Il en fait l’obsession de la reine des fées qui res­semble à Victoria.

Pour l’illustration de ses planches, José-Luis Munuera retient un des­sin réso­lu­ment moderne, dyna­mique, expres­sif. Il offre une mise en page soi­gnée et joue avec des cadrages judi­cieux qui insufflent un rythme sem­blable à celui de l’aventure. Gra­phi­que­ment, il pré­sente les enfants comme des géants par rap­port à une Vic­to­ria minus­cule, comme tous les autres humains qui l’entourent.
La cou­leur est l’œuvre de Sedyas qui recrée avec une belle vir­tuo­sité les dif­fé­rentes ambiances du récit, des nuits magnifiques.

Une pré­face signée de Richard Com­bal­lot, grand roman­cier de science-fiction quelque peu oublié aujourd’hui, éclaire le cadre de la créa­tion. Une post­face d’Alex Romero fai­sant par­ler un émi­nent capi­taine de la Bri­tish Royal Navy clôt avec humour cet album.
José-Luis Munuera fait preuve, s’il en était encore besoin, d’un talent excep­tion­nel de conteur, de créa­teur d’univers, dans un album superbe pour son récit et sa mise en images.

lire un extrait

serge per­raud

José-Luis Munuera, Peter Pan de Ken­sing­ton, tra­duit de l’espagnol par Gene­viève Mau­bille, Dar­gaud, août 2024, 96 p. — 21,00 €.

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Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

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