Véronique Sablery, Etats dames (exposition)

Au bord de la résurrection

Véro­nique Sablery devient une mar­quise de l’art par des pro­po­si­tions qui ne res­tent jamais à l’arrêt et bien au contraire. Ses œuvres enseignent un regard neuf et pro­posent un rêve : celui de trans­fi­gu­rer des silences déses­pé­rés  des voix qui se sont tues en un tel lieu.  En consé­quence, Etats Dames est un ren­dez vous avec des dames. Pas n’importe les­quelles. Et pas n’importe où.

Fondée vers 1060 par Mathilde de Flandres, duchesse de Nor­man­die et épouse de Guillaume le Conqué­rant, l’Abbaye aux Dames a abrité des reli­gieuses béné­dic­tines avant de deve­nir une caserne, un Hôtel-Dieu, un hos­pice avant de deve­nir, res­tau­rée, le siège de la Région Nor­man­die.
Dans l’abbatiale de l’abbaye aux Dames, la reine Mathilde a son tom­beau. Elle repose dans le chœur sous une dalle de marbre noir de Tour­nai sobre­ment sur­mon­tée d’un grand verre ; le nom de Mathilde de Flandre est gravé dans la pierre noire posée au chœur de l’église où elle repos. À gauche du chœur se situe une porte laté­rale par laquelle on accède au cloître où nous accueillent deux grandes pein­tures d’Eustache Res­tout, l’une repré­sen­tant Les sœurs Marthe et Marie écou­tant le Christ, l’autre la Sama­ri­taine au puits de Jacob.

Dans un tel contexte, Véro­nique Sablery a réa­lisé des pho­to­gra­phies, des­sins et sculp­tures en lien avec l’abbatiale et le cloître. Ses créa­tions offrent une autre visi­bi­lité par une série de tra­vaux sur papier et sur verre effec­tués en 2015 à par­tir des pho­to­gra­phies des gisants royaux qu’elle avait prises à l’Abbaye de Saint-Denis – dont les des reines de France qui viennent dia­lo­guer avec les dames de l’abbaye.

L’artiste a modi­fié toute vision pas­séiste. Dans ce but, elle a pho­to­gra­phié des élé­ments flo­raux ou végé­taux au Jar­din des plantes de Caen situé non loin de l’Abbaye aux Dames et en face de son ate­lier. Ces élé­ments font écho dans leurs formes ou leurs cou­leurs à cer­tains détails des tableaux d’Eustache Res­tout. Certes, « nor­ma­le­ment », les fleurs accom­pagnent depuis tou­jours les tombes des défuntes au regard d’un lieu où elles vécurent. Mais ici rien ne reste coincé dans l’ordre sépulcral.

L’œuvre de l’artiste ne se contente pas d’honorer les mortes mais insère dans ce lieu une forme de vie. Divers types de veines en sortent dans l’effet de dia­pha­néité et de trans­lu­ci­dité de tels tra­vaux. Ils deviennent des poèmes-visas. L’au-delà s’arrête à leurs fron­tières et laisse la place à l’espérance sans conno­ta­tions accen­tuées de reli­gio­sité. Par­fois, un simple anneau de fidé­lité sur l’index d’une femme fait signe.

Tout rede­vient plus vif, vivace pour conser­ver ce qui reste d’une main renais­sante et des fleurs épa­nouies. Gisantes et pein­tures médi­tant sur l’éternité sont rehaus­sées du temps qui passe. Sou­dain jaillit un rêve d’espace et de pré­sence. Il meuble de tels fan­tômes fémi­nins mais fait bien plus. Il a le goût de la beauté et freine les larmes et la convic­tion de ne pas avoir d’avenir grâce au temps que vivent les roses. Et l’art.
D’une cer­taine manière, il réveille les mortes avec de telles nou­velles pré­sences à leur chevet.

jean-paul gavard-perret

Véro­nique Sablery, Etats dames, Abbaye aux dames, Caen, du 18 octobre au 1er décembre 2024.

1 Comment

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One Response to Véronique Sablery, Etats dames (exposition)

  1. Villeneuve

    La Résur­rec­tion , le Vivant et la Poé­sie avec Dame Sablery reine des arts de Nor­man­die . JPGP a le secret des Dames .

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