Qui a pris la Reine du crime au mot ?
À Marcolès, dans la Châtaigneraie cantalienne, Odile assure la tenue de la médiathèque. Elle est une fan des romans d’Agatha Christie qu’elle met en avant. Elle a créé un club qui réunit, autour d’elle sept autres personnes tous les mardis à 20 heures précises. Outre la doyenne, Pierrette, Philippe, professeur retraité, on trouve Archibald, dit Archie, châtelain de son état, le pharmacien Bernard, Iris, une mère de quatre enfants, Joanne employée qui fabrique des galoches et Eliot, son jeune frère, encore lycéen.
Odile aimerait organiser une manifestation autour de la grande dame du crime, une sorte d’exposition. C’est Eliot qui lance l’idée d’un colloque. Et Odile rebondit : un colloque avec des spécialistes reconnus de la romancière. Et c’est naturellement vers le château que se tournent les pensées pour cadre du déroulement, au grand dam de son propriétaire car la bâtisse n’est plus ce qu’elle était. Il tente, sans résultat, de faire abandonner cette idée.
Et, peu à peu, des participants se dégagent et les membres du club organisent, avec plus ou moins d’enthousiasme selon leur implication, tentent de résoudre les nombreux problèmes d’intendance avec leurs moyens réduits. Alors que les invités commencent à arriver une lettre anonyme reçue par Archie sème le trouble. Celle-ci prédit : “Un meurtre sera commis le… samedi 14 avril au château de La Rochette.” Elle est signée AC.
Et, effectivement, malgré la vigilance, deux personnes meurent…
L’implication des membres du club varie selon les personnalités, la motivation, les caractères ou les contraintes. Et la romancière détaille les réactions de chacune et chacun, les engouements, les hésitations, les opinions des uns et des autres sur les différentes phases de la manifestation, sur leur mise en place. Elle conçoit, avec une belle diversité, une galerie représentative des principaux types d’individus et développe une suite de situations où l’humour trouve une belle place.
C’est aussi la série des intervenants, ces spécialistes plus ou moins érudits, qu’elle met en scène avec cocasserie. Elle installe des approches sentimentales qui ont du mal à se concrétiser tant les profils psychologiques semblent incompatibles.
L’auteure anime toute cette population avec verve et inspirations, usant d’un style alerte, d’une écriture imagée, d’un vocabulaire parfaitement adapté à chacun des protagonistes. Et elle signe une intrigue tout à fait dans l’esprit de celles imaginées par La Duchesse de la mort comme celle-ci plaisait à se définir, avec une recherche psychologique approfondie.
Mais Sylvie Baron n’omet pas de faire de la région retenue comme cadre de son histoire une description donnant envie d’aller y séjourner quelques temps pour se régaler de l’ambiance et des paysages.
Une fois encore la romancière propose un livre qui régale tous les sens dans la mesure où la verve narrative sublime les propos, les personnages et la recherche difficile de la vérité.
serge perraud
Sylvie Baron, Les petits meurtres du mardi, J’Ai Lu n° 14 184, coll. “Littérature française”, septembre 2024, 320 p. — 7,40 €.