Sylvie Baron, Les petits meurtres du mardi

Qui a pris la Reine du crime au mot ?

À Mar­co­lès, dans la Châ­tai­gne­raie can­ta­lienne, Odile assure la tenue de la média­thèque. Elle est une fan des romans d’Agatha Chris­tie qu’elle met en avant. Elle a créé un club qui réunit, autour d’elle sept autres per­sonnes tous les mar­dis à 20 heures pré­cises. Outre la doyenne, Pier­rette, Phi­lippe, pro­fes­seur retraité, on trouve Archi­bald, dit Archie, châ­te­lain de son état, le phar­ma­cien Ber­nard, Iris, une mère de quatre enfants, Joanne employée qui fabrique des galoches et Eliot, son jeune frère, encore lycéen.
Odile aime­rait orga­ni­ser une mani­fes­ta­tion autour de la grande dame du crime, une sorte d’exposition. C’est Eliot qui lance l’idée d’un col­loque. Et Odile rebon­dit : un col­loque avec des spé­cia­listes recon­nus de la roman­cière. Et c’est natu­rel­le­ment vers le châ­teau que se tournent les pen­sées pour cadre du dérou­le­ment, au grand dam de son pro­prié­taire car la bâtisse n’est plus ce qu’elle était. Il tente, sans résul­tat, de faire aban­don­ner cette idée.

Et, peu à peu, des par­ti­ci­pants se dégagent et les membres du club orga­nisent, avec plus ou moins d’enthousiasme selon leur impli­ca­tion, tentent de résoudre les nom­breux pro­blèmes d’intendance avec leurs moyens réduits. Alors que les invi­tés com­mencent à arri­ver une lettre ano­nyme reçue par Archie sème le trouble. Celle-ci pré­dit : “Un meurtre sera com­mis le… samedi 14 avril au châ­teau de La Rochette.” Elle est signée AC.
Et, effec­ti­ve­ment, mal­gré la vigi­lance, deux per­sonnes meurent…

L’impli­ca­tion des membres du club varie selon les per­son­na­li­tés, la moti­va­tion, les carac­tères ou les contraintes. Et la roman­cière détaille les réac­tions de cha­cune et cha­cun, les engoue­ments, les hési­ta­tions, les opi­nions des uns et des autres sur les dif­fé­rentes phases de la mani­fes­ta­tion, sur leur mise en place. Elle conçoit, avec une belle diver­sité, une gale­rie repré­sen­ta­tive des prin­ci­paux types d’individus et déve­loppe une suite de situa­tions où l’humour trouve une belle place.
C’est aussi la série des inter­ve­nants, ces spé­cia­listes plus ou moins éru­dits, qu’elle met en scène avec cocas­se­rie. Elle ins­talle des approches sen­ti­men­tales qui ont du mal à se concré­ti­ser tant les pro­fils psy­cho­lo­giques semblent incompatibles.

L’auteure anime toute cette popu­la­tion avec verve et ins­pi­ra­tions, usant d’un style alerte, d’une écri­ture ima­gée, d’un voca­bu­laire par­fai­te­ment adapté à cha­cun des pro­ta­go­nistes. Et elle signe une intrigue tout à fait dans l’esprit de celles ima­gi­nées par La Duchesse de la mort comme celle-ci plai­sait à se défi­nir, avec une recherche psy­cho­lo­gique appro­fon­die.
Mais Syl­vie Baron n’omet pas de faire de la région rete­nue comme cadre de son his­toire une des­crip­tion don­nant envie d’aller y séjour­ner quelques temps pour se réga­ler de l’ambiance et des paysages.

Une fois encore la roman­cière pro­pose un livre qui régale tous les sens dans la mesure où la verve nar­ra­tive sublime les pro­pos, les per­son­nages et la recherche dif­fi­cile de la vérité.

serge per­raud

Syl­vie Baron, Les petits meurtres du mardi, J’Ai Lu n° 14 184, coll. “Lit­té­ra­ture fran­çaise”, sep­tembre 2024, 320 p. — 7,40 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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