Paola Agosti est l’une des photographes italiennes les plus importantes du XXe siècle. Elle débute son activité de photographe indépendante en 1969 et commence divers voyages en Europe, en Amérique du Sud, aux Etats-Unis, en Afrique. Elle a rencontré et photographié hommes politiques, artistes, écrivains mais s’est surtout intéressée aux images du monde féminin. Elle a a enquêté aussi sur la fin de la civilisation paysanne du Piémont le plus pauvre, les événements de l’émigration piémontaise vers l’Argentine.
Les deux projets, rassemblés sous le titre unique Du Piémont au Rio de la Plata, témoignent de deux moments phases de la vie photographique de Paola Agosti. Une partie fait prendre conscience des conditions de misère, au seuil des années 80, du monde rural de l’une des régions les plus industrialisées d’Italie. De l’autre, elle raconte la vie, en Argentine, des descendants de ceux qui avaient quitté ces régions bien des années plus tôt à la recherche d’une vie meilleure.
En Argentine entre 1989 et 1991, elle a exploré la « Pampa gringa », l’immense triangle de plaine entre les villes de Cordoba, Rosario, Santa Fe, que les « gringos » piémontais et d’autres Italiens ont commencé à habiter. Sur cet horizon plat et insaisissable, des panneaux routiers s’élèvent pour indiquer qu’une destination a été atteinte : « Cavour », « Nuevo Torino », « Piamonte », « Silvio Pellico ». Ce sont de petites villes nées pour la plupart en Argentine par des ancêtres piémontais, dispersées mais très nombreuses (à l’époque trois millions et demi d’habitants, plus d’un dixième de la population argentine totale).
Les photographies de ces deux ensembles sont le récit d’un voyage sentimental personnel du photographe à la découverte de physionomies, d’attitudes. Le tout, écrit-elle, dans le but de « nous faire nous rappeler, aujourd’hui plus que jamais, que nous avons aussi été des migrants. Comme les jeunes Tunisiens, Libyens, Érythréens qui arrivent sur nos côtes, à la recherche d’un paradis en Italie (une entrée temporaire ?) et trouvent presque toujours autre chose ».
Reste un témoignage visuel de lieux et des personnes qu’elle a rencontrées. C’est une manière de redonner de la dignité à ce monde mourant, à ces paysans que personne n’a voulu accompagner dans l’histoire en tant que protagonistes.
jean-paul gavard-perret
Paola Agosti, « Dal Piemonte al Rio de la Plata », Altidona, Galleria sotto Arco, Merche, été 2024.
Très belle recension des œuvres photographiques de la Dame Agosti ! Le critique JPGP , à travers géographie et histoire , reste humaniste .