Lylian adapte le magnifique roman de Jim Fergus paru aux USA en 1998 et en 2000 aux Éditions du cherche midi. Ce récit se base sur une rencontre authentique entre le président Ulysse S. Grant et Little Wolf, le chef des Cheyennes du Nord. En France, ce récit a rencontré le succès avec plus de 400 000 exemplaires vendus. Il est resté pendant 57 semaines dans la liste des meilleures ventes.
À Chicago, en mars 1873, May Dodd est internée à l’Institut National de santé mentale à la requête de sa famille. Celle-ci veut la faire soigner pour dépravation et perversion sexuelle. Son père n’accepte pas qu’elle soit partie vivre avec Harry, considéré d’un rang inférieur, qu’elle ait deux enfants de lui. Pendant trois ans, malgré l’amitié de Martha, une jeune femme chargée de s’occuper d’elle, elle va subir des traitements éprouvants, les assauts du gardien, vivre un enfer. Un matin Martha la presse de se préparer. Le Docteur Benson est chargé de sélectionner des patientes pour participer à un programme gouvernemental de la plus haute importance. Retenue, avec Martha, elle se retrouve dans un train vers une destination et un but inconnus. Malgré l’incertitude du futur, May est ravie car elle est enfin libérée de cet institut.
Mais, quand elle apprend les raisons de ce programme et ce qu’il suppose…
S’il y a bien eu une rencontre en 1874 entre le président et le chef cheyenne, ce qu’ils ont négocié reste secret. Le romancier imagine alors ce marché et développe son idée à travers le journal intime de l’héroïne. Par ce livre, Jim Fergus dénonce la vision que les nouveaux venus sur le continent ont des autochtones, les considérant avec condescendance, comme des sauvages. Mais la volonté d’expansion reste intacte et les territoires sont conquis, ne laissant aux Indiens que de pauvres parcelles où ils ne peuvent que mal vivre.
Dans ce premier tome, le scénariste décrit la vie de May dans cet institut, son envie de s’échapper. Puis, c’est le voyage, un sentiment de liberté et la connaissance d’autres femmes toutes embarquées dans ce programme dont elles ignorent tout. C’est l’arrivée au Nebraska et le but du voyage.
Les portraits de ces femmes magnifiques dans leur diversité, dans le poids de leur passé gouverné par des hommes, sont parfaitement restitués. C’est aussi le début d’une épopée dans l’Ouest américain avec une approche féminine.
Le travail graphique conjoint d’Anaïs Bernabé pour le dessin et d’Hugo Poupelin pour les couleurs donne une réelle énergie au récit. Les personnages sont superbement campés, leurs attitudes sont expressives. Les décors sombres accompagnent la partie se déroulant dans l’institut et se font éclatants pendant le voyage, magnifiant des paysages. La nature est mise à l’honneur.
Un premier tome d’une haute qualité tant pour le récit, la mise en place de l’action que pour les dessins et couleurs qui enchantent le regard.
serge perraud
Lylian (scénario), Anaïs Bernabé (dessin) & Hugo Poupelin (couleurs), Mille femmes blanches — t.01 : e, Dargaud, septembre 2024, 56 p. — 14,50 €.