Italo Calvino, Romans

Les grandes portes

Dans ces romans et contes, l’écrivain ita­lien Italo Cal­vino mul­ti­plie ses objec­tifs dans des textes autant iro­niques que savants. Entre légè­reté et sérieux, il évoque le poids du temps, de la lon­gueur qui tend à étendre les maux. Les qua­li­tés de vitesse, d’adresse et de viva­cité intel­lec­tuelle per­mettent de pro­fi­ter au mieux de l’instant, de s’éloigner de la pesan­teur de vivre.

Inspiré d’Epicure et des phi­lo­sophes des Lumières, il a créé divers types s’inspirant de mou­ve­ments des par­ti­cules et atomes dans la néces­sité du mou­ve­ment, de l’agilité. L’auteur a repris l’idée du pro­fit du moment, du méfait de faire éti­rer les effets d’une même chose ou sen­sa­tion dans le temps. Il res­sen­tit la néces­sité, via la tech­no­lo­gie, de réduire les contraintes du temps et de l’espace, afin de ren­for­cer la com­mu­ni­ca­bi­lité et la capa­cité d’action.

Dans Villes invi­sibles (chef-d’œuvres des chefs-d’œuvres) et Si une nuit d’hiver un voya­geur, il défen­dit la pré­ci­sion lexi­cale, l’évitement du qui­pro­quo, par la recherche de la connais­sance et de la rigueur de l’expression. Ces valeurs, qui semblent aller de soi, connaissent, selon lui, un tas­se­ment, un recul cal­culé avec aussi son atti­rance pour les ouvrages de logique et scien­ti­fiques, comme il l’avait un peu mon­tré avec la phy­sique épicurienne.

Dans Le Baron per­ché, l’inspiration et la créa­ti­vité per­mettent d’élaborer non seule­ment une des­crip­tion, mais tout un pro­cédé nar­ra­tif. L’imagination est une pluie d’images au milieu des­quelles le lec­teur appren­dra à voir ce qui le dépasse. Italo Cal­vino se fit le démiurge de ses per­son­nages, puisqu’il dut rendre compte de leurs res­sen­ti­ments et de ce qu’il avait sous les yeux. Il s’inspira de Dante pour déve­lop­per sa réflexion. L’écrivain dut mettre en forme son cinéma inté­rieur, pour pou­voir le res­ti­tuer, par­fois sous plu­sieurs angles.
Il fit l’éloge de la plu­ri­dis­ci­pli­na­rité, et revint sur la néces­sité de la connais­sance, (comme dans Exac­ti­tude), mais aussi dans sa dimen­sion tant scien­ti­fique que sociale, pour mieux pou­voir per­ce­voir le réel, afin de le retrans­crire, via ce qu’il décrit dans un roman : la réa­lité, com­plexe qui doit être tou­jours le socle de l’écriture à venir.

Il y a une unité et un fort lien entre tous les thèmes invo­qués dans son uni­vers roma­nesque (dont l’autobiographique fut exclue). Lire ses romans demande de  prendre un peu de temps pour rendre mâture la réflexion tant rapi­dité, agi­lité du rai­son­ne­ment, éco­no­mie de la preuve, mais aussi ima­gi­na­tion sont autant de qua­li­tés déci­sives. Gali­lée, bien avant lui, ouvrait déjà sa porte tout sauf étroite.

jean-paul gavard-perret

Italo Cal­vino, Romans, trad. de l’italien par Yves Her­sant, Chris­tophe Moles­chi & Mar­tin Rueff, Gal­li­mard, col­lec­tion biblio­thèque de la pléiade (n° 672),  2024, 1328 p. — 69,00 €.

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