Alors que Jake Fisher croyait avoir rencontré l’amour de sa vie, Natalie Avery, et que tous deux filaient depuis quelques semaines le parfait amour dans une résidence pour artistes du Vermont, elle lui annonce qu’elle va épouser un ancien petit-ami, Todd. Malgré tout, et comme pour se convaincre que tout cela n’est pas qu’un cauchemar, Jake assiste à la cérémonie, à l’issue de laquelle Natalie lui extorque un engagement : « Promets-moi de nous laisser tranquilles. » Devenu professeur de sciences politiques à Lanford College, Jake a tenu sa promesse. Jusqu’à ce qu’il tombe par hasard sur la nécrologie de Todd Sanderson sur le site de l’université. Todd Sanderson, dont la photo ressemble étrangement à l’homme qu’il a vu épouser Natalie. Immédiatement, toute la frustration qu’il n’a pas réussi à enfouir complètement remonte à la surface. Et la scène de mariage en ouverture du roman est bientôt suivie d’un enterrement, auquel Jake assiste plus ou moins incognito, dans l’espoir de renouer avec celle qu’il aime toujours.
La comédie romantique se transforme en thriller au moment où sort de l’église l’épouse du défunt : une femme qui n’est pas Natalie. Plus étrange encore, le cercueil est suivi par deux adolescents trop âgés pour être les enfants d’un second mariage. Et les incohérences s’accumulent alors que Jake se lance dans une enquête auprès des membres de la famille de Natalie, notamment sa sœur Julie, qui prétend ne pas le connaître. Pas plus que les habitants de Karftboro, la petite ville du Vermont où il a rencontré Natalie. D’ailleurs, personne ne semble se souvenir non plus de la résidence ou du mariage à la chapelle. Quand Jake découvre que Todd est mort assassiné, le doute n’est plus permis : il y a anguille sous roche.
Les fans d’Harlan Coben sont accoutumés à ce que le maître du suspense américain les entraîne dans ce genre d’histoires à rebondissements. Une vie qui soudain s’effrite, des mystères accumulés, des secrets révélés peu à peu et qui en soulèvent d’autres. Dans Six ans déjà, la petite musique sonne aussi bien que d’habitude, il faut dire que la mécanique est bien huilée, avec une intrigue parfaitement construite en cercles concentriques. Tout a son importance, les personnages secondaires voire mineurs, les détails a priori infimes, les remarques anodines. Le narrateur, Jake, fait un compagnon agréable, amoureux déterminé envers et contre tout à se prouver qu’il n’a pas imaginé son histoire.
Cela dit, c’est aussi cette obsession, ce romantisme affiché par Coben qui constitue un point faible du livre. Les grandes envolées sur l’amour éternel, les instants partagés et perdus, la façon dont la vie s’arrête avec la perte de l’être aimé… Voilà qui nous approche un peu trop de la romance, heureusement que monsieur Coben a aussi le sens de l’humour et qu’il instille à son amoureux transi une bonne dose d’autodérision qui lui permet, en parallèle, de se moquer de son âme fleur bleue.
Au bout du compte, ce n’est pas l’émotionnel qui guide cette histoire, contrairement à ce qui nous est annoncé, mais bien les habituelles ficelles du roman à suspense, celles que Coben maîtrise à la perfection : les retournements de situation, la violence partout tapie, les craintes de manipulations, la confiance et à qui on peut l’accorder ou pas, les amis qui n’en sont pas vraiment. La solitude du héros. Jusqu’au happy end qui ne manque pas d’arriver.
agathe de lastyns
Harlan Coben, Six Ans déjà, traduit de l’anglais (États-Unis) par Roxane Azimi, Belfond, coll. Noir, mars 2014, 374 p. – 19,95 €