Marie Laure Dagoit une nouvelle fois brouille les lignes (et les cartes). Ou plutôt leur propose une floculation inédite et une autre distribution. A la ligne droite se substituent les cercles concentriques qui deviennent la succession d’ondes sur laquelle le message fait des vagues (à tous les sens du terme). Partant d’une photographie d’Hans Bellmer aussi provocante qu’évidente, la lettre d’amour prend un tour inattendu. « Heureusement » elle ne s’écrit pas : les mots semblent là pour surligner le cerclage signifiant de ce qui habituellement ne peut se dire.
Le rayon du regard ploie à la limite de la chair et de la pensée dans cette suite d’échos où le cinétisme éloigne du centre mais en rapproche tout autant en une libération subtile au seuil d’une certaine « con-valescence ». L’auteure ose l’Eros sans le nimber par des pompes. Reste la circonstance dont les ondes baillent comme des cuisses ouvertes aux étoiles sans pour autant qu’on les prenne pour des gigots mystiques.
Marie-Laure Dagoit donne ici le mauvais exemple car — et selon Marcel Marien — celui-ci « est souvent le meilleur ». Preuve que la marquise qui se baigne dans sa belle salle de bains parle en feignant le silence afin de prouver qu’il n’y a pas loin de la coupe aux grandes lèvres. Et ce n’est pas Bellmer qui affirmerait le contraire.
jean-paul gavard-perret
Marie-Laure Dagoit, Je te cherchais je m’étais perdue, Derrière la salle de bains, Rouen, 2014, 30,00 €.