André Breton, Manifestes du surréalisme

Contre toute attente

Cette édi­tion cen­te­naire des Mani­festes du Sur­réa­lisme de Bre­ton est un recen­se­ment de tirage spé­cial et par­fait. C’est comme se rap­pro­cher de ce Kamt­chatka théo­rique écrit à la fois au téles­cope comme au cré­pus­cule. Cette édi­tion docu­mente ces textes de com­bat de 1924 à 1962 pour leur édi­tion défi­ni­tive. Mais La Pléiade ajoute quelques ouver­tures inté­res­santes sur de tels brû­lots par­fois encore salués, par­fois oubliés ou cri­ti­qués. Se pro­longent la mobi­lité de la pen­sée de Bre­ton et la per­pé­tuelle diver­sité de ses convictions.

Son pre­mier mani­feste du Sur­réa­lisme fut publié le 15 octobre 1924 au Sagit­taire chez Simon Kra à Paris. Et Bre­ton fonde son école (dont il allait devenir « Pape »), en pré­ci­sant qu’il cultive “un cer­tain auto­ma­tisme psy­chique qui cor­res­pond assez bien à l’état de rêve, état qu’il est aujourd’hui fort dif­fi­cile de limi­ter”. Mais cette judi­cieuse édi­tion crée des effets de pans et de reflets, d’un texte à l’autre dans la pen­sée de Bre­ton — en par­ti­cu­lier lors des ver­sions d’après-guerre..

Certes, il serait vain de cher­cher grief au créa­teur . Mais à cha­cun de se battre avec ces textes et non sur des atti­tudes sup­po­sées. Ce qui n’empêcha pas au sur­réa­liste belge Paul Nougé — exclu sine die du groupe ger­ma­no­pra­tin — d’estimer$ les Mani­festes tels des pré­ci­pi­tés « théo­ri­quards his­toire de ne pas rire ». Et de rap­pe­ler que la bour­geoi­sie intel­lec­tuelle et par­fois uni­ver­si­taire trouva une forme de liberté entre­te­nue au gra­tin marxiste.

Néan­moins, cette nou­velle édi­tion net­toie nos lunettes en zieu­tant sur le lit défait des Mani­festes, par­fois des ébou­lis ou des ais­selles négli­gées. Il n’empêche que l’ensemble reste des suc­ces­sions d’étoiles nues tou­jours sur le bureau d’un écri­vain là où s’allume cette nou­velle édi­tion en pla­fon­nier.
Les Mani­festes, vu leur âge, sont d’une cer­taine manière vieux dans le sec­teur de l’art et de la poé­sie. Mais ils sont loin de com­men­cer à fati­guer. Les créa­teurs et lec­teurs font leurs griffes des­sus. Preuve que les vivants le res­tent sans s’asseoir sur de tels textes.

Ce qu’a émis Bre­ton reste un constant pro­grès et sans pré­ju­dice dans cette accu­mu­la­tion de théo­ries sur ce livre ouvert sur un cer­tain cris­tal. Il ne suf­fit pas d’y mettre un pied dehors et ne plus oublier de gar­der les clés de Bre­ton. Elles ont ouvert un monde.

jean-paul gavard-perret

André Bre­ton, Mani­festes du sur­réa­lisme, Tirage spé­cial, Pré­face de Phi­lippe Forest,  Gal­li­mard, collec­tion Biblio­thèque de la Pléiade, 19-09-2024, 1184 p. — 64,00 €.

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