Céline Levain, Captives

Confi­dences visuelles

Céline Levain explore la « sombre forêt de l’existence », comme l’écrit Pau­line Delabroy-Allard dont le texte accom­pagne de telles pho­to­gra­phies. Cette série a com­mencé à l’atelier pho­to­gra­phique du quar­tier femme de la mai­son d’arrêt d’Angoulême et au centre péni­ten­tiaire de Vivonne. Comme Bet­tina Rheims (dans un autre lieu quoique com­pa­rable), elle a pho­to­gra­phié les femmes déte­nues qui se met­taient en scène dans la salle d’activité de la prison.

Dans cette situa­tion, elle a cher­ché un moyen de repré­sen­ter le « dehors »si pré­sent dans les esprits et les conver­sa­tions des déte­nues. Elles ont asso­cié leurs por­traits à des pay­sages qu’elles décri­vaient à Célin Levain qui allait cap­tu­rer à l’extérieur de leurs murs. Ces femmes expri­maient le manque, un pay­sage inté­rieur, un sou­ve­nir ou une pro­jec­tion vers un ailleurs ou un après. La pho­to­graphe les révèle et ils semblent sou­vent deve­nir universels.

Existent alors — ce que l’auteure accom­pa­gna­trice de l’artiste exprime — des che­mins incon­nus, des forêts mys­té­rieuses, « les ter­rains vagues de l’âme / de la mousse sur la mer / de l’écume qui galope /bien plus vite qu’un trou­peau de che­vaux sau­vages ». Ce livre devient la créa­tion d’un temps sus­pendu face au temps long. Dans ce livre comme dans ces vies vécues, des sen­ti­ments ne se dérobent jamais, des cœurs triomphent. Et le mythe rat­trape la réa­lité. La luci­dité ne va pas sans l’instinct. Les pho­to­gra­phies émettent la cho­ré­gra­phie des désirs, l’âme devient la pen­sée sau­vage, le ver­tige par de telles syn­thèses avec l’infusion des corps et leur énergie.

Les com­bi­nai­sons sont innom­brables. Par­fois, la fièvre monte et l’infini se pro­longe. Des désirs se dilatent et s’échangent. Leurs mou­ve­ments sont imper­cep­tible mais jaillissent tant de défer­le­ments ! Sous le soleil des rayons des bar­reaux, les corps gra­vitent autour de l’instant. D’où cette aven­ture. L’artiste engouffre l’indéchiffrable, le sai­sis­sant et arrive à offrir une forme d’émerveillement qui trans­porte de l’espérance.
Une telle ins­pi­ra­tion enchaîne et délivre.

jean-paul gavard-perret

Céline Levain, Cap­tives, Texte de Pau­line Delabroy-Allard, Edi­tions Sur la Crête, 2024, 68 p. — 28,00 €.

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