Cristina Essellebée est décédée prématurément le 3 juillet 2024. Née à Valenciennes, a vécu plusieurs « vies » entre autres sous le nom de Lydia Belostyk. Après une formation artistique aux Beaux-Arts de Valenciennes et à l’université de Lille, elle a été femme de ménage, caissière, enseignante en arts-plastiques, mère, bibliothécaire. Mais toujours photographe, un peu comme une Vivian Maier.
De fait, elle a travaillé autour de la question du temps, de l’éphémère et du permanent, de l’indétermination et de la détermination, du visible et du (presque) invisible. C’est en 2015, quittant l’identité de Lydia Belostyk, qu’elle créa le personnage de Cristina Essellebée (SLB).
Dans ce livre si singulier, elle a capté d’une certaine manière l’insaisissable. Elle a pris ses autoportraits dans des objets de sa salle de bain qui réfléchissent : pommeaux de douche, robinets, bondes de baignoires, bouton de porte. Par de tels « miroirs », son corps devient l’objet de 32 anamorphoses où sont interrogés le regard et le désir par incursions dans l’intime. Elles sont accompagnées de textes réalisés (puis choisis au tirage au sort) par 16 auteurs (critiques, poètes, artistes, écrivains, journalistes).
Paul-Armand Gette, dans sa préface, précise que dans l’intimité des lieux consacrés à la toilette, « Cristina Essellebée ajoute le regard narcissique que le chrome lui renvoie. Elle nous montre, nous tenant à distance de la nudité du corps avant l’ablution. Ces reflets sont dans l’espace de la pudeur, qu’elle oublie un peu parfois ! ».
Mais à travers les manifestations de son corps la photographe précisa sa clé : « Un jour au détour des ablutions quotidiennes, je l’ai vu ! Bouton, pomme (de douche) ont réfléchi l’image de mon corps, l’existence de mon corps. Corps réel, corps fantasmé, corps vibrant”. De façon inattendue, les objets aux surfaces lisses rappellent que son corps était donc bien présent. Voire plus. Et nous pouvons tenter une telle expérience….
jean-paul gavard-perret
Cristina Essellebée, Miroir oh mon miroir !, Préface de Paul-Armand Gette, L’œil de la femme à barbe, Paris, 2022, 64 p. - 20,00 €.