Caryl Férey, Magali

Pour qu’on ne l’oublie pas…

Le roman­cier détaille sa jour­née consa­crée à l’écriture avec une pause de vingt minutes pour le jour­nal de France Culture. Rien, ou presque, ne le détourne de cette rou­tine quand il tra­vaille à la rédac­tion de ses romans poli­ciers et ses thril­lers, jusqu’à ce jour de février 2021. Il entend l’information sur la dis­pa­ri­tion de Magali Blan­din à Montfort-sur-Meu, la petite ville où il a grandi. Très vite, cette affaire s’empare de lui.
Pour lui, Magali ne pou­vait res­ter un simple nom sur la liste inter­mi­nable des fémi­ni­cides. Il y avait, quelque part, une vérité à trou­ver. Il va se rap­pro­cher grâce à sa demi-sœur, de fait-diversiers locaux sur Rennes. Et il va mener sa propre quête d’informations pour com­prendre com­ment une situa­tion peut déri­ver à ce point de non-retour, à ce meurtre minu­tieu­se­ment pré­paré. Il va ren­con­trer les acteurs qui ont par­ti­cipé de près ou de loin à ce drame, qui ont côtoyé la vic­time, l’assassin, leur entourage…

Caryl Férey donne un récit aty­pique, fouillé, riche, mêlant les élé­ments de cette affaire cri­mi­nelle, les ren­contres, les témoi­gnages, dres­sant un por­trait de cette femme qui ne deman­dait qu’à vivre. Et il intègre une large par­tie auto­bio­gra­phique fai­sant état de ses sou­ve­nirs d’enfance dans cette petite ville, la tur­bu­lence de son ado­les­cence
Il raconte son retour sur les lieux, les chan­ge­ments qu’il constate, les modi­fi­ca­tions d’ambiance dans la ville avec, par exemple, un centre-ville qui se dépeuple alors qu’il conser­vait l’image d’une vie active, voire tré­pi­dante lors de son adolescence.

L’auteur agré­mente son récit de réflexions diverses et variées au détour d’une phrase, d’un para­graphe. Elles peuvent concer­ner la situa­tion locale, les rap­ports entre les per­sonnes, les man­que­ments de la société… Tou­jours pimen­tées d’humour soit cocasse, soit grin­çant, elles donnent une res­pi­ra­tion au récit. Férey choi­sit de don­ner des pseu­do­nymes tru­cu­lents aux membres de sa famille, à ses inter­lo­cu­teurs. C’est ainsi que l’on ren­contre Clé­men­tine Bon­dis­sante, Affaire Sen­sible, Valky Rit, Pharma Stoïque, Pou­pée de Sang…
De nom­breuses réfé­rences lit­té­raires émaillent le livre. Parmi celles-ci, une semble par­ti­cu­liè­re­ment appro­priée au sujet. Il s’agit de l’essai d’Olivia Gazalé, Le Mythe de la viri­lité. Il pré­sente le témoi­gnage, sans fards, de l’avocat du meur­trier et les consé­quences induites par l’appropriation d’un tel dossier.

L’affaire Magali Blan­din, une édu­ca­trice spé­cia­li­sée de 42 ans, mère de quatre enfants, assas­si­née par Jérôme, son mari, celui-ci aidé par ses parents pour faire dis­pa­raître le corps, a fait l’objet de maints articles dans les médias. Avec un éclai­rage nou­veau, un recul, Caryl Férey y apporte une touche par­ti­cu­lière, une sen­si­bi­lité en ne se tenant pas qu’aux faits, aux actes. Pas­sion­nant à tous niveaux.

serge per­raud

Caryl Férey, Magali, Édi­tions Robert Laf­font, coll. “La Bête Noire”, août 2024, 192 p. — 19,00 €.

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies, Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>