Teresa Moure, La Morelle noire

Trois femmes…

Trois femmes portent ce roman à la forme lit­té­raire peu com­mune. Ce sont Cathe­rine de Suède, une reine, Hélène Jans, une her­bo­riste pas­sant pour une sor­cière, et Inès Andrade, une étu­diante. Ces trois femmes nées dans des mondes et à des époques dif­fé­rents ont en com­mun le goût de la liberté, la volonté d’être ce qu’elles ont envie d’être, d’affirmer leur per­son­na­lité et leurs désirs.

Un homme fait une sorte de lien entre ces héroïnes, René Des­cartes, le phi­lo­sophe du XVIIe siècle, connu uni­ver­sel­le­ment pour Le Dis­cours de la Méthode. Chris­tine de Suède a échangé avec lui de manière épis­to­laire avant de l’inviter à Stock­holm, où il mourra, d’ailleurs. Hélène Jans le prend pour amant. Ils auront une fille. Inès doit faire sa thèse sur l’œuvre du phi­lo­sophe.
Mais s’il est un point com­mun, il dis­pa­raît très vite, lais­sant la place aux héroïnes et à d’autres oubliées de l’Histoire qui émergent.

La roman­cière décrit alors les par­cours de ces femmes qui se dégagent de l’emprise mas­cu­line pour exis­ter par elles-mêmes. Ainsi, Chris­tine renonce au pou­voir pour ne pas avoir à don­ner un héri­tier au trône. Hélène décide d’élever seule sa fille et Inès va s’affranchir de l’autorité de son direc­teur de thèse.
Et de mul­tiples figures fémi­nines peuplent ce roman qui se veut éco­fé­mi­niste et écocritique.

La Morelle noire porte un titre intri­guant, mais l’auteure ne manque pas d’en expli­quer la pro­ve­nance, patience ! C’est un livre pétillant qui prend des allures de roman his­to­rique. Il est habi­le­ment com­posé d’histoires intimes, de remèdes, de croyances, de soro­ri­tés, de cou­tumes de soins. Il est inven­tif à la fois dans la forme et dans son pro­pos, un ton vif et empreint d’humour.
La Morelle noire met en avant des pro­ta­go­nistes qui se sous­traient au dis­cours patriar­cal, don­nant une autre lec­ture de la sphère domes­tique, ce lieu décon­si­dé­rée par la des­crip­tion qu’en fai­saient les hommes.

Entre humour, voire iro­nie, amour et sagesse, le texte laisse appa­raître des lettres d’il y a trois siècles, des recettes de sor­ti­lèges, par exemple, pour atti­rer les amants réser­vés, des his­toires et des légendes d’antan, un her­bier…
Un grand bravo à Marielle Leroy, la tra­duc­trice, qui a dû tra­vailler sur la richesse et la diver­sité du contenu.

Un roman éclai­rant, très ori­gi­nal, cadencé par la variété des inter­lo­cu­trices et des styles, à la fois his­to­rique, fémi­niste, phi­lo­so­phique… Une belle découverte !

serge per­raud

Teresa Moure, La Morelle noire ( Hierba Mora), tra­duit de l’espagnol par Marielle Leroy, Édi­tions La Contre-Allée, coll. “La sen­ti­nelle”, août 2024, 464 p. — 24,00 €.

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