L’homme qui se croyait le plus rusé…
Le Tartare, le lieu de supplice des plus grands criminels, se situe sous les Enfers. C’est là que Sisyphe expie ses crimes, lui un humain ayant voulu tromper les dieux. Tout commence quand, dans une crique, Sisyphe et son fils Glaucos, attendent Médée qui ère de pays en pays depuis son implication dans le vol de la Toison d’Or. Contre la pommade qui a servi à Jason, il lui a promis une embarcation. Or, celle-ci est pourrie, la voile déchirée. Médée le maudit et lance une malédiction sur Glaucos. Celui-ci se met à dépérir. Sisyphe va alors employer tous les moyens pour le sauver. Il passe un pacte avec Thanatos À chaque nouvelle lune, il devra toucher une personne qui mourra et ce, jusqu’à l’âge adulte de Glaucos. Il devient un criminel qui va tenter le tout pour le tout…
Serge Le tendre poursuit son exploration de la mythologie grecque. Il a déjà régalé ses lecteurs avec Pygmalion et la vierge d’ivoire où cet homme est amoureux d’une sculpture idéalisant la femme. Avec Astérios le Minotaure, il revisite de belle manière les facettes de ce monstre. Il approche Sisyphe, cet homme condamné à pousser une énorme pierre jusqu’au sommet d’une colline mais elle dévale avant d’atteindre le but. Il faut recommencer et ceci… pour l’éternité. Si ce personnage n’occupe pas une place essentielle dans les récits mythologiques, il faut souligner qu’il est l’un des fondateurs de la ville de Corinthe qu’il a su développer et faire prospérer. Mais il se définit comme le plus rusé des hommes et c’est cette opinion qui le perdra.
Albert camus a fait de cette histoire, dans un essai philosophique, un mythe, un symbole de l’absurdité de la vie humaine. Si le propos est assez dur, le scénariste place des doses d’humour et donne un environnement attrayant au parcours de cet homme, faisant intervenir nombre de dieux et déesses dans son récit.
Frédéric Peynet, qui s’est fait remarquer avec, par exemple, Les Vestiges de l’aube ou Le Projet Bleiberg (Dargaud), assure un dessin réaliste et une couleur tout aussi réaliste. Il donne une belle expressivité à ses différents protagonistes et les attitudes sont bien rendues. Il signe des décors lumineux, rappelant leurs éclats. Il réalise un beau travail sur la mise en page et assure une lecture très agréable de l’histoire.
Un bel album qui remet à l’honneur un héros mythologique dont on ne se rappelle que de son supplice. Le graphisme élégant sert magnifiquement le récit.
serge perraud
Serge Le Tendre (scénario), Frédéric Peynet (dessin et couleur), Sisyphe — Le Châtiment des Dieux, Dargaud, août 2024, 64 p. — 17,95 €.