Jacques Réda, Le Trot-du-renard

Pas au-delà et en deçà

Poète et pro­sa­teur multi-faces, Jacques Réda joue ici le mélo­mane là où, et pour cause, la ques­tion du rythme est essen­tielle. Elle ne se limite pas ici à la musique clas­sique et offi­cielle. Pour preuve – et non ici sans iro­nie (dont l’auteur est spé­cia­liste) — : le Trot-du-Renard. Il garde encore son impor­tance puisque sai­sis­sant l’opportunité de nous rap­pe­ler que la Terre, sphé­rique et tour­noyante, “n’en est pas moins comme un bou­le­vard, certes acci­denté, qui se déroule plu­tôt sous nos jambes et n’a d’autre fin bru­tale que notre propre épui­se­ment”.

D’autant que, plus géné­ra­le­ment, la valse est une preuve et une démons­tra­tion. Avec elle, « nous vivions dans une immense salle de bal où la Gra­vité fait en effet val­ser toute une popu­la­tion de corps célestes et autres, étroi­te­ment enla­cés ». Dès lors et ici, le rythme est cos­mique. Selon Réda, il dirige tout : des atomes aux grandes figures astrales. Bref, le mou­ve­ment de l’univers est une scan­sion.  Pour les bipèdes ter­restres que sont les hommes, la danse, pro­fane ou reli­gieuse, est un Tout. Il les dépasse puisque la danse célé­brée libère les corps.

Du fox-trot au jazz, des envo­lées de la valse, des acro­ba­ties du hip-hop et des cadences bat­tantes du rock, Réda rap­pelle que com­pa­rable aux vers des poètes, la danse reste de l’ordre du sacré là où, dans de tels rites, l’élémentaire et le natu­rel sont res­tés tou­jours pré­sents et évo­lu­tifs. Face au pro­grès scien­tifique et aux hauts ren­de­ments des êtres, sous cha­cun de leurs pas se révèle un prin­cipe pre­mier et absolu de l’existence.

C’est une ambi­tion convain­cante où l’auteur mélange les genres cho­ré­gra­phiques tor­dus, enche­vê­trés au sein d’anamorphoses inédites. Sa puis­sance poé­tique fas­ci­nante vient de tels rébus et leur fan­tai­sie. Il y a là pour­tant un véri­table retour au pre­miers temps selon une iro­nie et une vir­tuo­sité excep­tion­nelle.
Jacques Réda fait resur­gir de manière vol­ca­nique, ample et déri­soire au sein des danses, une approche aussi impré­vue, drôle que sublime. Une nou­velle aven­ture poé­tique recom­mence avec lui.

jean-paul gavard-perret

Jacques Réda, Le Trot-du-renard, Fata-Morgana, Font­froide le Haut, 2024, 64 p. — 16,00 €.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Chapeau bas, Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>