Une ville comme… Compagnon de la Libération…
Au sein de la collection Grand Angle, les Éditions Bamboo poursuivent l’histoire des Compagnons de la Libération. Cet Ordre, crée par le général De Gaulle, compte 1038 nominations, ceux qui dès 1940 ont rejoint la France libre et la Résistance. Ce groupe se compose de civils et de militaires, d’ouvriers et de chefs d’entreprise, de communistes et de royalistes, de prêtres et d’athées, d’hommes de lettre et de prolétaires, de tirailleurs africains et de gamins de 14 ans abattus par l’occupant, de voyous et de futurs dirigeants politiques, mais également de 23 collectivités civiles et militaires dont… la ville de Grenoble.
Cette ville a mené une lutte acharnée, à la pointe de la Résistance française, malgré les deuils, et les souffrances, malgré les arrestations et les massacres.
Pour raconter les grands moments de ces actions, les acteurs de cette opposition, Jean-Yves Le Naour met en scène Inès, une collégienne qui doit faire un exposé, et Marcel qui fut artificier dans le groupe de Paul Vallier.
Marcel est aux Edelweiss, une maison de retraite. Après avoir fait connaissance, avec une certaine méfiance de part et d’autre, il évoque ses souvenirs. Puis Inès le pousse dans son fauteuil roulant pour visiter les endroits stratégiques, s’arrêter devant des immeubles occupés par l’armée allemande, par la milice, ces français au service de la politique de Vichy. Et le bilan est lourd : 840 fusillés, 2 000 personnes tuées au combat, autant de disparus et 1 150 déportés.
Pour illustrer ses propos, le scénariste-historien se fonde sur une documentation exhaustive, sur des témoignages poignants. Pour détendre l’atmosphère lourde générée par la succession des situations difficiles, il introduit des plages humoristiques. Les incompréhensions entre la jeune fille et le vieux monsieur donnent cette occasion. Une vignette use du comique de répétition après chaque séquence se terminant par une explosion.
Le dessin efficace de Philippe Tarral, la mise en couleurs de Fabien Blanchot, donnent une belle clarté à ce morceau de la grande Histoire. Si les personnages sont campés avec adresse, les décors, la reconstitution des lieux présentent une belle authenticité.
Un grand bravo à l’illustration de couverture illustrant enfin la parité. Le rôle des femmes a été trop longtemps minimisé, voire occulté au profit de quelques preneurs de lumière, des grandes gueules qui avaient la possibilité de s’exprimer dans les médias.
Comme de tradition dans cette collection, un dossier de huit pages revient sur les grands événements de cette période à Grenoble et présenta les acteurs de ces faits.
Avec cet album, les auteurs éclairent de belle manière cette histoire sombre de la ville, une période bien oubliée mais d’une actualité sanglante.
serge perraud
Jean-Yves Le Naour (scénario), Philippe Tarral (dessin) & Fabien Blanchot (couleurs), Les Compagnons de la Libération — Grenoble, Bamboo, Label “Grand Angle”, juin 2024, 56 p. — 14,90 €.