Nino Haratischwili, La lumière vacillante (Rentrée littéraire 2024)

« Le qua­tuor de Tbilissi »

Que savons-nous de la Géor­gie, de cette terre cau­ca­sienne à la fois si proche, si loin­taine ? Bien peu. En 2017, Nino Hara­ti­sch­wili dans une saga his­to­rique, autour de per­son­nages fémi­nins, La hui­tième vie, évo­quait l’histoire mou­ve­men­tée de son pays natal depuis le début du ving­tième siècle. En 2022, cette fois-ci, La lumière vacillante plonge dans le passé très dou­lou­reux, plus récent de la Géor­gie post­so­vié­tique, mar­qué par l’effondrement éco­no­mique et moral, par la vio­lence poli­tique, par la guerre meur­trière entre 1991/1993 en Abkha­zie, au nord du pays. N’est-ce pas pour nous, lec­teurs euro­péens, comme l’écrit l’auteur, la pein­ture « d’un monde exo­tique, un monde détra­qué atti­rant pour des yeux occi­den­taux » ? C’est bien plus que cela. Une fresque des bles­sures humaines.

Elles sont quatre : Nene, la séduc­trice, Dina la com­bat­tante, Ira la joueuse d’échecs et Keto. Elles gran­di­ront ensemble à Tbi­lissi. Entre 1989 et 2019, Keto la nar­ra­trice « res­taure » leur par­cours comme elle devien­dra, adulte, res­tau­ra­trice d’œuvres d’art. Cha­cune prise dans la tour­mente d’un pays devenu indé­pen­dant.
Les images de Dina lui ser­vi­ront de fil d’Ariane. Le pré­sent appelle le passé. Une rétros­pec­tive de ses pho­tos à Bruxelles réunit les trois sur­vi­vantes et à chaque cli­ché res­sur­git un épi­sode de leur vie, celle d’une géné­ra­tion amère qui choi­sit de par­tir vers l’étranger. Ira réus­sit aux Etats-Unis, Nene se rema­rie à Mos­cou et Keto s’exile en Alle­magne puis en Bel­gique. L’ouverture du roman dans le jar­din bota­nique de Tbi­lissi du temps de l’adolescence insou­ciante nour­rit la fin du texte dans le parc bruxel­lois, quand la vie s’est écou­lée et que Dina n’est plus là. Il faut bien se sauver.

Nino Hara­ti­sch­wili elle-même écrit son his­toire géor­gienne en alle­mand, sa langue d’adoption, comme s’il était impos­sible de retrou­ver ce point ori­gine, que seule une dis­tance pou­vait apai­ser les âmes. On sait d’ailleurs qu’aujourd’hui encore la Géor­gie n’a pas retrouvé ses ter­ri­toires per­dus contrô­lés par les Russes et que son gou­ver­ne­ment s’affirme contre l’Europe.
Nino Hara­ti­sch­wili a d’abord écrit pour le théâtre mais aucune de ses pièces écrites en alle­mand n’ont été, à ce jour, tra­duites en fran­çais. Son roman, lui a fait l’objet d’une adap­ta­tion (Für Blika) au théâtre d’Osnabrück en 2024.

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marie du crest

Nino Hara­ti­sch­wili, La lumière vacillante, tra­duit de l’allemand par Bar­bara Fon­taine, NRF Gal­li­mard, col­lec­tion Du monde entier, 2024, 720 p. — 27, 50 €. 

A paraître début septembre.

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