Christine Montalbetti, La Terrasse (Rentrée littéraire 2024)

Suite fré­mis­sante de pro­ba­bi­li­tés et de conjectures

L’astuce de Chris­tine Mon­tal­betti tient du choix d’un voyeur (en rien mal­sain) pour qu’il soit le nar­ra­teur de son roman. C’est pour lui le moyen (amusé) de se deman­der que sont deve­nus le passé, pré­sent et futur de couples. Cette adjonc­tion de jeunes ne voit pas la menace qui plane sur son his­toire, celle d’un couple plus mûr et plus cer­tai­ne­ment hanté par la pos­si­bi­lité de la rup­ture, de la co-adjacence énig­ma­tique entre un pro­fes­seur amé­ri­cain et une jeune femme, ou encore d’une mère incer­taine d’elle-même et de son grand fils, etc.. Il y a là des réponses pré­ci­pi­tées, voire par­fois quasi hai­neuses. Se découvrent des entê­te­ments à repas­ser les plats d’un vieil enthou­siasme comme si de rien n’avait été.

Tiago nar­ra­teur et ser­veur en pré­sente d’autres (bois­sons com­prises) sur cette ter­rasse por­tu­gaise, ter­rain idéal d’observation. Ses enga­ge­ments dans la ver­sion qu’il donne de ses clients tiennent de ce qu’il ne peut igno­rer ceux qu’ils sont deve­nus et qu’il n’a pas for­cé­ment pré­vus et ceux-là n’imaginent pas ce qu’ils devien­dront.
Sans finir de suivre tout autour de lui ce qui arrive, il peut construire des pen­sées socio­lo­giques, poli­tiques. Il n’en manque pas. Presque toutes sont utiles. À ces expli­ca­tions armées de savoir et for­ti­fiées par la cohé­rence paci­fiée de ses pen­sées, il manque une tona­lité et de la per­plexité. En jaillissent une uto­pie et la vérité sen­suelle de sa propre sourde inquié­tude. Bref, ce qu’il entend bouche le propre trou de son existence.

Cette ter­rasse devient l’image et le son de sa propre inti­mité : « Toutes ces pré­sences réson­naient en moi comme des par­ties de moi-même, plus ou moins connues, plus ou moins incon­nues. » Une telle pré­sence lui sert de tutelle. Mais par­fois elle le trouble pour une rai­son majeure : sa vie d’avant et désor­mais le regard trou­blant de Glo­ria prête à pla­cer une suite fré­mis­sante de pro­ba­bi­li­tés et de conjec­tures qui ne relancent pas seule­ment la curio­sité de ses clients.
Gene­viève Mon­tal­betti vient sur son ter­rain, estime sa pos­ture impré­vi­sible. Le roman montre tout entier son héros tel qu’il est. Et qui devient peu à peu, suite à son miel, des sen­sa­tions fla­shées entre tou­ristes. L’essentiel est dans les atti­tudes et mots qui le tra­versent à mesure que le livre avance.

jean-paul gavard-perret

Chris­tine Mon­tal­betti, La Ter­rasse, août 2024, 352 p. — 21,00 €.

Leave a Comment

Filed under Romans

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>