Celui qui fut initié par la poésie au regretté et aimé Pierre Oster publie une trilogie de fragments : « Au basalte de l’âge », « L’Ephémère en héritage » et enfin et surtout « La joue pas rasée de la solitude ».
Dans ces trois livres, l’avenir conserve encore son mystère et sa matière entre la froideur cristalline et les frémissements du végétal. Chaque ouvrage devient l’histoire d’un souffle poétique magistral et de son aventure. La chair se voue à sa courte allégresse, dût-elle n’être qu’herbe. Mais quelque chose avance.
C’est une sorte de révolution intime et puissante par un verbe au présent. Mais qui parie sur le futur afin qu’il soit par ce qui se fomente déjà reste. Bref, existe une présence, d’acceptation mais aussi d’offrande, plus dans le futur du “viens” que dans la stabilité du “sois”.
Touchant le soi mais jusqu’au minéral et au végétal, s’ouvrent des paysages qui risqueraient d’être engloutis. Philippe Pichon dévoile dans sa volonté poétique de puissance ce qui nous noie mais surtout ce qui nous renouvelle.
Le poète — lui et nous - délivre de l’ancienne vie pour aller à une une géologie charnelle. Chaque souffle se souvient que toutes les choses ont été appelées une à une dans la fugue sans fin de la nature, au plus près du chemin de la vie.
Tout est saisi sur le vif, non ses choses mais la grammaire de notre nature. Pichon capture le mouvement même de la matière à l’intérieur des mots. Nous voyons un feuillage et des strates en signe d’acte de l’apparition.
L’auteur sait avant nous. Il nous indique comment descendre en nous pour montrer ce qui ce qui a été vu et pensé en l’ignorant. Entendons là des nouvelles voix. Dans les galeries du corps et de l’esprit mystique et dans la présence de la matérialité de la nature, l’expérience poétique de ce triptyque est majeure.
jean-paul gavard-perret
Philippe Pichon, L’Ephémère en héritage & La joue pas rasée de la solitude, Editions Prolégomènes, Eguilles, 2021, chacun 132 p. — 18,00 €.