La scénariste prend comme cadre de son récit un univers bien chaotique. Les Sorsavants, sortes de dieux, avaient créé la Terre et les nues. Ils ont installé une royauté tout en restant les maîtres du jeu. Mais les monarques ont voulu se débarrasser d’eux et les ont exterminés. Une survivante fomente alors la révolution mais, seule, elle ne peut maintenir l’équilibre des éléments. Les nues se sont effondrées plongeant la Terre dans un orage éternel, donnant naissance aux limbes. Elle jette une malédiction sur la famille royale et sur tous ses fidèles.
Opportune saute d’un bateau volant en promettant d’être prudente et de ramener la Bête. Restent sur le bateau, outre l’équipage, Caesar et second et la cliente, une dame âgée en fauteuil roulant. Docteur en météorologie, Caesar annonce un risque, risque mis en doute par le chef de quart, ce qui déclenche un mouvement d’humeur qui amuse la cliente. Opportune et la Bête, qui porte pour nom Épigone, se retrouvent, se combattent. Mais les circonstances les obligent à s’entendre car…
Opportune est une corsaire qui gagne sa vie en traquant et en livrant nombre de monstres à la justice révolutionnaire. Épigone, en tant que garde du palais, a affronté une armée de révolutionnaires pour défendre la famille royale. Mais, s’il a, à ce jour, échappé depuis trente-sept ans à toutes les recherches, il a été frappé par la malédiction. Opportune, pour l’approcher, lui dit posséder les moyens de lui rendre son apparence humaine.
On ne peut s’empêcher de penser, avec ce couple, aux personnages du conte de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, La Belle et la Bête dont Jean Cocteau a tiré ce fameux film dans lequel Jean Marais incarnait le monstre avec maestria. Les thèmes abordés étaient alors l’amour et la rédemption. Ici, le cadre est différent car la belle ne se sacrifie pas pour sauver la vie son père, mais pour s’en emparer. De plus, la révolution est montrée comme un pis-aller, les nouveaux maîtres interdisant la culture, faisant brûler les livres. Et quand on commence à brûler les livres…
Le graphisme de Nicoletta Migaldi qui réalise dessins et couleurs assure un réalisme au scénario en proposant des humains de belle facture, des bêtes agréables à regarder même pour les plus détestables. Elle livre deux planches, retrouvant la présentation des planches illustrées, proche de celles immortalisées par Epinal.
Un album qui mêle adroitement thèmes sociétaux et aventures dans un univers chimérique.
serge perraud
Isabelle Bauthian (scénario) & Nicoletta Migaldi (dessins et couleurs), Opportune, Bamboo, Label “Drakoo”, mai 2024, 64 p. — 15,90€.