Vincent Brugeas & Ronan Toulhoat, Tête de Chien — Livre 2

Au gré des tournois…

Vincent Bru­geas avec son récit et Ronan Toul­hoat avec son des­sin font plon­ger les lec­teurs dans l’univers des tour­nois de la fin du XIIe siècle. Ils en montrent les cou­lisses, décri­vant des situa­tions qui n’ont pas sou­vent droit à au qua­li­fi­ca­tif de che­va­le­resques.
Les idéaux basés sur des valeurs sont étouf­fés par la bas­sesse, le men­songe, la méchan­ceté, la four­be­rie… Ce sont des joutes féroces car, pour beau­coup, être vain­queur est le seul moyen de vivre en exi­geant des ran­çons. Ils mettent en scène l’entourage de ces che­va­liers, les ser­vi­teurs, les rares écuyers, les mer­ce­naires et… les spectateurs.

C’est un monde mas­cu­lin où règne la tes­to­sté­rone. Aussi, l’introduction d’une jeune femme dans ce milieu est explo­sive alors qu’au mieux celles-ci, à cette époque, ne sont consi­dé­rées que comme des mères fai­sant des enfants à la chaîne pour com­pen­ser la mor­ta­lité infan­tile, assu­rer une lignée ou faire de la main-d’œuvre. Mais, paral­lè­le­ment à cette des­crip­tion his­to­rique, le scé­na­riste our­dit une belle intrigue, un com­plot dont il imbrique les com­po­santes avec brio. Le décou­page en cha­pitres intro­duit par les réflexions d’un per­son­nage donne un sup­plé­ment au récit.

Jehan — Tête de Chien — s’interroge sur l’attitude de Jos­se­lin — Che­vron d’Argent — depuis le tour­noi de Joi­gny. Pour­tant, ils sont venus à bout du redou­table Che­va­lier noirci. Pau­lin, le presque écuyer de Jehan, négo­cie pour un bon trai­te­ment de leurs mon­tures et fait l’admiration d’Oddard, un colosse, un mer­ce­naire au ser­vice du Gau­cher. Il le met en garde, il doit faire atten­tion car ses maîtres vont au-devant de graves ennuis à cause d’un pari.
C’est d’ailleurs Gau­cher qui défie les héros en impo­sant un petit amé­na­ge­ment pour que lui et son cou­sin rem­portent le duel. Pau­lin est très en colère après les pro­pos d’Oddard sur son sta­tut d’écuyer. C’est en pas­sant près d’une tente qu’il entend quelqu’un s’esclaffer et pro­mettre que la don­zelle mourra sur la lice, pro­pre­ment, aux yeux de tous. Il pense alors à Jehan, la seule femme à être sur les lieux d’affrontements…

Ronan Toul­hoat assure un des­sin élé­gant avec une finesse de trait et trans­met le dyna­misme des com­bats. Il rend par­fai­te­ment lisibles les scènes d’affrontement où pour­tant règne la confu­sion. Si les per­son­nages sont réa­listes, beaux, le reste est à l’avenant. Il réa­lise une belle gale­rie de cos­tumes, armures et armes et donne des décors pré­cis, par­fai­te­ment construits.
Si le des­sin est superbe, la mise en cou­leurs de Yoann Guillo, avec ses teintes douces, ses dégra­dés, ses ombrages font mer­veille et la conju­gai­son des deux talents concourt à la réa­li­sa­tion de planches qui sus­citent l’admiration.

Ce second tome ren­force tout l’intérêt que l’on peut trou­ver à la lec­ture du pre­mier livre, tant pour l’univers décrit, l’intrigue recher­chée que le gra­phisme flamboyant.

serge per­raud

Vincent Bru­geas (scé­na­rio), Ronan Toul­hoat (des­sin) & Yoann Guillo (cou­leur), Tête de Chien — Livre 2, Dar­gaud, mai 2024, 1366 p. — 21,50 €.

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Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

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