Adriano Spatola (1941 – 1988) fut une figure de proue des poètes les plus importants des avant-gardes poétiques de la seconde moitié du XXe siècle. Apparu dans le groupe des «Novissimi » puis du groupe 63, il a joué un rôle dans la modernité poétique italienne de l’après-guerre. Il marque son goût pour les poétiques expérimentales (visuelles, concrètes, sonores, performatives, etc.) et crée la revue, Tam tam, puis Baobab (cassettes consacrées à la poésie sonore). Par ses divers travaux, il a laissé une œuvre poétique et théorique large.
Cet ouvrage publié en 1993 par Via Valeriano est un documentaire et un manifeste pour défendre le rôle majeur de la poésie, qui a bouleversé le champ de l’art contemporain. Pour l’auteur, le terme de poésie se transforma en une infinité de catégories. Il rappelle ici une relecture magistrale d’œuvres dont les axes majeurs furent tracés et ce, bien plus par Mallarmé que par les avant-gardes (Dada, Futurisme, Constructivisme).
De là naquit une « aire commune » et une utopie matrice de ce que Spatola nomma “Poésie totale”. Existe là une mine d’informations importante qui était censée combler tout retard . L’ensemble reste aujourd’hui discutable eu égard à cette manière concrète, complète mais trop multiple en une telle coalition fourmillante. Certes ‚Spatola veut se rapprocher d’une œuvre d’art totale mais ses éléments divers partent en tous sens entre théories et poèmes très divers (calligraphies et photographies comprises).
“Poésie totale” fut un terme ambitieux mais il reste un panorama approximatif dont l’objet était de proposer un projet social, voire sociétal, qui déploie les enjeux et le pouvoir de la répercussion de la poésie sur l’évolution de la société. De tout cela reste une puissance qui se voulait vive mais qui a reculé après quelques dizaine d’années. Rendre l’art à la vie et au quotidien dans une perspective politique et matérialiste fut une vue de l’esprit plus prétentieuse qu’effective ou même pas affective.
jean-paul gavard-perret
Adriano Spatola, Vers une poésie totale, introduction par Laurent Cauwet. traduit de l’italien et présenté par Philippe Castellin, Les presses du réel, Coll. Al Dante, 2023, 280 p. — 30,00 €.